Vous êtes ici

Penser n°6 : Pensée dynamique - Maître Eckhart

TitrePenser n°6 : Pensée dynamique - Maître Eckhart
Publication TypeWeb Article
Année2017
AuthorsPrévost, F
PublisherFabrice Prévost Consultant
Mots-clésEckhart, mystique, pensé dynamique, Philosophie, psychanalyste
URLhttps://webjonction.fr/article/node/440
Full Text

Osons faire ce parallèle hérétique entre mystique, philosophie et psychanalyse de l’enseignement de Maître Eckhart (1260-1328). Interpréter (herméneutique) les fondements nous condamne d'anathème, d’excommunication, de herem comme exclusion suivant notre religion et le contexte du savoir savant des corporations dont ils dépendent. Pour le milieu universitaire, oui cet homme fut un précurseur de la méthodologie philosophique (Problématique - Dialectique - Herméneutique). Pour le milieu de la psychanalyse et de l’accompagnement, oui cet homme fut un précurseur du soin par la parole. Mais ni la psychanalyse et ni l’université prend très au sérieux cet homme et son œuvre qui ont semble-t-il inspiré des penseurs comme Spinoza, Hegel, Schopenhauer, Nietzsche, Heidegger, etc..

Articles en lien :

  • Dans cet article nous travaillons non pas le contenu mais la méthode de Maître Eckhart. Cette méthode décriée, où chacun trouve en lui-même ses propres ressources, lui a valu d’être exclus. Comme par un très grand hasard, l’homme, son œuvre et sa méthode reviennent au premier plan de la scène. Voyons voir…

___________

Cet article a été inspiré par les écrits de…
• Ancelet-Hustache, J. (1956). Maître Eckhart et la mystique rhénane. Paris : Le point
• McGinn, B. (2001). Maître Eckhart. L’homme à qui Dieu ne cachait rien (trad.2017). Paris : Édition du Cerf.

_______________________________________

Maître Eckhart, le mystique

La mystique, “elle se trouve chez tous les peuples, à tous les moments de l’histoire. C’est elle, surtout, qui permet de qualifier l’homme d’animal religieux. Peut-être pourrait-elle se définir ainsi : le désir mystérieux, éprouvé comme sacré, antérieur à toute justification rationnelle, parfois inconscient, mais profond et incoercible, de l’âme qui s’efforce d’entrer en contact avec ce qu’elle tient pour l’absolu (UN), généralement son Dieu, parfois aussi une entité plus vague, l’être en soi, le grand TOUT, la nature, l’âme profonde.” (Ancelet-Hustache, J. 1956. p.7)

A1 - Origine du mot et sens

  • Mystique du grec “Mustikos” signifie qui est relatif aux mystères. Ainsi, toutes les personnes curieuses tout comme les enfants seraient des mystiques puisque qu’un mystère est une inconnue, une irrationalité en quête de sens. Dans le langage populaire, ce terme a un autre sens, celui des chrétiens. Il est très en usage dans la langue de ces auteurs où le sens du mot mystique dérive vers une idée de celui qui a réalisé une expérience d’extase, d’illumination à fortes implications émotionnelles.

A2 - Points communs

  • La mystique grecque au sens premier du terme a en commun avec la mystique chrétienne deux points. D’une part, la mystique désigne toujours un élément irrationnel. D’autre part, personne d’autre que nous-même, par notre propre expérience, ne peut répondre aux mystères tel que nous pouvons l’appréhender. Pour un petit enfant, la procréation, la naissance, la mort sont tous des mystères. Aucunes explications par un tiers ne peuvent satisfaire l’enfant, il doit en faire l’expérience et le symboliser pour que le mystère devienne un concept rationnel.

A3 - Mystère…

  • Par contre, certains mystères, comme l’origine du vivant reste encore à ce jour un sujet débattu par les scientifiques, les philosophes, les théologiens, etc. Entre les partisans d’une Totalité Vitale comme concept d’un grand Tout (hologramme et plenum de la théorie quantique, continuum de conscience du bouddhisme, inconscient collectif de Jung, etc.), le UN d’un absolu ou d’un dieu unique (panthéisme du monothéisme), ou l’être primordial d’une âme transcendantale, chaque civilisation pose et repose le mystère de l’origine à sa façon.

A4 - Maître Eckhart

  • Maître Eckhart est à la fois un mystique, au sens de mystère, et un philosophe par sa démarche. Au XIII et XIVe siècle, il utilise la mystique des textes fondateurs comme fond. Il cherche dans la théologie et ses traces une réponse à ses intuitions, et pour les interpréter, il devient un philosophe dialecticien de l’herméneutique des écrits. C’est bien le mystère qui le propulse et la philosophie l’outil ou le moyen qui lui permet de soutenir cette réflexion hors de toute forme de recherche et d’enseignement dogmatique. Que chacun interprète à sa façon les textes fondateurs comme fond, lui a valu après sa mort et à cette époque, d’être jugé pour hérésie :
    • "Ledit Eckhart confessa la foi catholique à la fin de sa vie, et qu’il révoqua, et aussi déplora, les 26 articles qu’il reconnut avoir prêchés dans la mesure où ils pourraient générer dans l’esprit des fidèles une opinion hérétique, ou encore erronée et contraire à la vraie foi." (McGinn, B. 2001 p. 54).

A5 - Condamnation posthume

  • Dans le texte ci-dessous, les (-) sont de nous. Pour Maître Eckhart, l’intelligence est un processus actif dans l’instant nous permettant de nous connecter au vivant, de nous "sentir vivre", alors que la volonté est une affaire d’intellect, donc de logiques et de procédures de la raison permettant de nous "savoir vivre" tout cela posé sur des croyances rhétoriciennes comme opinions. Ainsi, dans la réponse aux détracteurs de Maître Eckhart, de son vivant, il répondit en distinguant le statut de l’erreur et de la faute, ont-ils compris ? C'est comme nos fautes d'orthographe : sont-elles des erreurs ou des fautes ? À  vous de voir…

Je puis en effet me tromper (erreur à réguler), je ne puis pas être hérétique (faute condamnable), car l’erreur est affaire d’intelligence, l’hérésie dépend de la volonté. (Ancelet-Hustache, J. 1956. p. 113)

 

_______________________________________

Maître Eckhart, le philosophe

Certains corpus universitaires refusent de nommer l’enseignement de Maître Eckhart qui pourtant a étayé la pensée de beaucoup de philosophes par sa démarche tant logique (Problématique - Dialectique - Herméneutique) que mystique de mystère. Maître Eckhart a été aussi un précurseur du soin par la parole, de la psychanalyse et maintenant de l’accompagnement RH… faut-il encore désirer le voir et l’entendre.

 

B1 - Démarche universitaire et scolastique

  • L’essentiel pour Maître Eckhart était que chaque novice interprète les écritures. Sa démarche était typique d’une dissertation ou de celle de l’université : pensée par vous-même mais référez-vous à des auteurs (scienta des écrits validés) et non à vous-mêmes (doxa des opinions). Thèse, antithèse SANS synthèse tel était son travail, provoquer chez l’autre l'auto-questionnement. La nuance était de taille, pour Maître Eckhart l’essence de la foi était dans le processus même qui permettait la connexion entre le sujet et ce qu’il étudiait : les textes. Point d’extase ou d’expérience d’illumination de la mystique chrétienne, mais le fait même de penser par soi-même était un éloge au vivant et ainsi à l’origine.

B2 - Maître Eckhart (1260-1328) grand inspirateur des suiveurs

Spinoza (1632-1677)

  • Le maître de l’éthique a vécu des similitudes avec le jugement d’hérésie de Maître Eckhart. Spinoza a été condamné par sa communauté juive. L’herem est la forme la plus sévère d’exclusion au même titre que l’excommunication et l'anathème pour les catholiques. Contrairement à Maître Eckhart qui lui ne remettait pas en question les écritures comme fondement dont il sollicitait l’interprétation (son jugement pour hérésie), deux siècles après lui, Spinoza a osé l’impensable, il a remis en question le dogme de la Thora et ses interprétations contenus dans le Talmud.
    • À chaque époque ses tribulations, de nos jours dans la laïcité nous constatons les mêmes phénomènes au sein du social, des sciences & universités. Pas de herem, ni d’excommunication ou d'anathème, mais cela s’exprime par l’exclusion, la mise en touche : "carton jaune…"

Hegel (1770-1831)

  • Le maître de la dialectique et de la méthodologie des dissertations hégélienne - thèse, antithèse et synthèse - c’est a priori inspiré de Maître Eckhart, sans comprendre réellement sa démarche puisque le propos est de se questionner (se sentir vivant), d’après la méthode dialectique, puis d’interpréter (herméneutique) et non de trouver une réponse du type synthèse qui clôt et ferme toutes formes de discours (les apories hégéliennes). Quand l’un, Maître Eckhart, valorise le processus ou le phénomène du mystère (Mythos), l’autre, Hegel résous le mystère par la raison logique (Logos).
    • “Au printemps de 1841, Baader (1765-1841) raconta à l’un de ses élèves que, pendant un séjour à Berlin, il avait lu quelques passages de Maître Eckhart à Hegel qui ne connaissait encore celui-ci que de nom. Hegel fut si enthousiaste que, le lendemain, il fit à Baader tout un exposé sur Eckhart et s’écria : “nous avons là ce que nous voulons !” L’interlocuteur de Baader répondit qu’à son sens et d’après ce qu’il avait lui-même lu d’Eckhart, Hegel lui avait presque tout emprunté, sans cependant l’avoir compris.” (Ancelet-Hustache, J. 1956. p.153)

Schopenhauer (1788-1860)

  • Le maître de la volonté princeps, c’est-à-dire de la volonté du vivant escamotant celle du sujet, insiste sur le fait de libérer la création :
    • “Dans sa troisième édition “du monde comme volonté et représentation” (1859), Schopenhauer loue l’édition de Pfeiffer (Sermons et traités d’Eckhart) qui rend enfin accessibles et merveilleux les écrits de Maître Eckhart. Selon Schopenhauer, Eckhart montre que la création pouvait et devait être libérée par l’homme. Ayant renoncé au vouloir–vivre, celui-ci permettra la création de retourner à Dieu, c’est-à-dire au néant : non plus au ‘néant divin’ de la pensée dionysienne et eckhartienne, mais au nirvana qui semble bien être le néant absolu, selon l’hypothèse de Schopenhauer.” (Ancelet-Hustache, J. 1956. p.154)

Nietzsche (1844-1900)

  • Concernant Nietzsche, sous une autre forme d'investigation, il fait une analyse de la tragédie antique grecque à l’aune de deux principes : "Dionysos" et "Apollon". Nous retrouvons la division de Schopenhauer entre "volonté" (origine du vivant) et "représentation" (bâtit par l'homme).
    • Dionysos est la pulsion vitale, une force incontrôlée qui exprime la vie, la puissance, qui ne se canalise pas ; Dionysos est ivresse, instinct primitif, etc. Apollon est une autre force, une capacité à représenter, à donner forme, à créer dans l’art, c’est la capacité de l’homme à maîtriser la nature pour lui donner représentation, c’est le Beau, la mesure, etc. (Tristan Velardo agrégé)
      • Il s’agit de deux forces qui s'opposent et nous retrouvons ici les deux composantes du vivant (se sentir être) et de l'homme (se savoir être). La réflexion de Nietzsche était de comprendre les entraves de l'humain et comment se reconnecter au premier le dionysiaque sans faire le déni du second l'apollinien.

Heidegger (1989-1976)

  • Le maître de l’herméneutique de “l’être et le temps”, n’a-t-il pas été lui aussi très inspiré par ses prédécesseurs. Maître Eckhart, prenant la dialectique et l’herméneutique comme processus ou phénomène témoin du vivant, n’a pas pu être ignoré, nous semble-t-il, par ce dernier qui prône l’expérience vécue d’une pré-compréhension non pas théorique mais intuitive (spinozisme) ainsi que la notion très proche de l’idée d’indistinction de Maître Eckhart de l'indéterminable séparant l’observateur (novice) de la chose observée (texte). La mystique de mystère est à son apogée :
    • “Maître Eckhart était convaincu que la conscience mystique est fondamentalement herméneutique : on ne l’atteint que dans un acte d’écoute, d’interprétation […] — Maître Eckhart écrit : “J’ai déjà dit souvent : il faut que soit brisée la coque, et que ce qui est dedans vienne au-dehors ; car si tu veux arriver au noyau il te faut briser la coque. Et de même, si tu veux trouver la nature sans voile, il te faut l’une après l’autre percer à travers toutes les ressemblances, et plus avant tu pénétreras, plus proche tu te trouveras de l’essence. Quand l’âme trouvera l’Un, là où tout est un, c’est là qu’elle demeurera, dans l’Unique Un.” — Comme le dit Donald Duclow, ‘lorsque la lettre fusionne ainsi avec ses multiples sens, la frontière même entre texte et interprétation devient indistincte’ […] Favoriser ce genre de percée, qui, faisant imploser et le texte et le moi, débouche dans l’indistinction. […] Percer et pénétrer au sein de l’indistinction dans l’Unique Un : deux motifs fondamentaux de son enseignement mystique sont aussi l’essence de son herméneutique.” (McGinn, B. 2001 pp. 71-73)

_______________________________________

Maître Eckhart, le pré-psychanalyste

 

Le besoin doit devenir la porte du désir. Désirer l’autre, c’est renoncé à en faire l’objet de ses besoins. Aimer, c’est vouloir l’autre pour lui-même, c’est renoncé à l’asservir pour le servir. (Maître Eckhart).

 

C1 - Démarche pré-psychanalytique

  • Les notions de besoin et de désir sont deux clés importantes de la psychanalyse. Le besoin fait appel à la jouissance et à l’immédiateté. Le désir signe l’avènement du différé et d’un monde intérieur chez le sujet. Nous ne pouvons pas désirer le non connu. Il y a deux formes du désir qui s'opposent : le désir-regret et le désir-souhait. Dans le désir-regret est rétrospectif. Nous désirons l’absence de ce qui a été un objet de plaisir, de jouissance de ce qui nous a été offert, il nous manque. Alors que dans le désir-souhait est prospectif. C'est la présence rayonnante du désir de l'autre, de l'aimé comme expression de la vie qui nous vient à nous manquer. Dans ce dernier, c'est le désir du désir souvent de "la mère" qui provoque le manque. Le désir signe ainsi la présence même du sujet qui se constitue du “manque de l’autre en nous-même”. Désirer l’autre ou l’altérité, ce serait faire l’éloge au vivant, de ce qui nous constitue nous-même comme motion, pulsion puis impulsion.
    • “Il n’y a rien que l’on désire autant que vivre. Qu’est-ce que vivre ? C’est être mû de l’intérieur, par sa propre impulsion. Ce qui est mû de l’extérieur ne vit pas… Nous pouvons et nous devons œuvrer par nos propres forces, de l’intérieur.” (Maître Eckhart)

C2 - Retour à la source

  • Pour Maître Eckhart, il semblerait que ce désir de l’origine, de l’Unique Un ou de Dieu est le processus d’indifférenciation et d’indistinction (observateur / observé) qui fonde l’humanité, le sacré et la mystique. C’est en quelque sorte, un vague à l’âme de l’origine. Que celle-ci soit considérée comme une Totalité Vitale comme concept d’un grand Tout (hologramme et plenum de la théorie quantique, continuum de conscience du bouddhisme, inconscient collectif de Jung, etc.), le UN d’un absolu ou d’un dieu unique (panthéisme du monothéisme), ou l’être primordial d’une âme transcendantale (cf. article : Maternologie).
      

C3 - Penser : ( Quoi penser / Comment penser )

  • Pour Maître Eckhart, ce qui compterait avant toutes autres formes d’expérience, ce serait celle de pensée par soi-même, le “Comment penser” de la parole du Christ (Carrère E. 2014) et non le “Quoi penser” dogmatique des religions instituées. En ce sens, pour Emmanuel Carrère (Le royaume), les paroles du Christ rapportées par ses apôtres témoignent et dénotent de cette façon singulière de parler et de provoquer l’auto-questionnement pour cette époque où le dogmatisme et la morale régnaient :
    • "Ce qui est nouveau pour lui (Luc), mais alors totalement nouveau, c’est la voix, le phrasé, qui ne ressemble à rien de ce qu’il connaît. […] C’est aussi cette façon particulière de ne pas dire : “Faites ceci, ne faites pas cela", mais plutôt : “Si vous faites ceci, il arrivera cela”. Ce ne sont pas des prescriptions morales mais des lois de la vie. […] il y a une énorme différence entre dire : “Ne fais pas à un autre ce que tu ne voudrais pas qu’il te fasse” […] et dire : “Ce que tu fais à un autre, tu te le fais à toi-même”, “ce que tu dis d’un autre, tu le dis de toi-même.” (Carrère E. 2014 pp. 425-426)

C4 - Désirer & Penser

  • De même, cette phrase de Caillois, dans “Œuvres complètes de Spinoza”, illustre admirablement le courant de pensée de Maître Eckhart :
    • “Le désir est l’essence de l’homme, c’est-à-dire l’effort par lequel l’homme s’efforce de persévérer dans son être. […] La liberté n’est pas le résultat de la pensée, mais l’exercice même de penser.” (Œuvres complètes de Spinoza, 1954, p. XXXIV)
  • Winnicott dans "Playing & Réality" ne parlait que de cela :
    • “Jouer, c’est se créer” ou comme il le formule “Jouer, c’est faire” (Winnicott, D. W. 1975. p. 90)
    • Winnicott à propos d'une patiente :“C’est quand elle cherche qu’elle existe plutôt que lorsqu’elle trouve ou est trouvée. […] Puis la patiente : “Je voudrais m’arrêter de chercher et seulement Être. Oui, le fait de rechercher prouve qu’il y a un soi […] Oui, je vois, on pourrait postuler l’existence d’un Moi à partir de la question…” . (Winnicott, D. W. 1975 p. 126).

C5 - Ouvrir le débat

Un sage indien parle du Samsara et du Nirvana. Le Samsara, c’est le monde fait de changements, de désirs et de tourments dans lequel nous vivons. Le Nirvana, celui auquel accède l’éveillé : délivrance, béatitude. Mais, dit le sage indien, celui qui fait une différence entre le Samsara et le Nirvana, c’est qu’il est dans le Samsara. Celui qui n’en fait plus, il est dans le Nirvana. (Carrère E. 2014, p. 597)

 

_______________________________________

Maître Eckhart, démarche plurielle

 

Pour restituer la démarche de Maître Eckhart, il est nécessaire de passer en revue l’évolution de la pensée sous l’angle de la recherche des causes des phénomènes (effets). Nous proposons la carte mentale ou heuristique ci-après pour repérer dans quel courant se plaçait Maître Eckhart.

 

D1 - Cosmogonie & Sophia (sagesse)

  • Dans un premier temps, en aval du VIe siècle av. JC, l’homme a expliqué ce qui lui arrivait par la “Sophia” se référant aux causes divines. La mythologie et la cosmogonie ont permis aux hommes de donner du sens. Les organisations humaines étaient hiérarchiques avec une concentration de pouvoir sur le roi représentant des dieux. Les oracles, prêtres, etc., étaient porteurs du message et de la vérité.

 

D2 - Cosmologie & Philo-sophia (discours sur la sagesse)

  • Vers le VIe et Ve siècle av. JC, en Grèce ancienne, apparaît un mouvement de pensée différent : la “Philosophia” (philosophie). La cité prend des formes plus “démocratiques” avec une organisation isonomique (rapport de force idem planètes). Les mythes remplacent la mythologie et questionnent la vérité : débat des valeurs (axiologie).

 

D3 - Épistêmés : 2 grands axes se développent ( naturalisme / symbolisme )

  • Par cette seconde approche, se bâtit deux cheminements ou axes de raisonnement : l'axe du naturalisme & du pragmatisme où tous effets à une cause naturelle (approche scientifique des théories et de l'objectivité) et l’axe du symbolisme & du constructivisme où tous effets à une cause éthique (approche axiologique de la philosophie et de la subjectivité).
    • S'oppose simultanément dans ces deux axes deux façons de pensée notre monde et du rapport à la Vérité (paradigmes).
      1. D'un côté nous avons les tenants de la pensée logique de la rhétorique parménidienne et du sophisme; c'est le creuset de la pensée dogmatique et moraliste de la faute (mouvement et écoles sophistiques > Persuader pour gagner).
      2. D'un autre côté nous avons les tenants de la pensée dynamique de la dialectique héraclitéenne et de l’interprétation herméneutique avec Anaximandre, Héraclite, Démocrite, Euclide, Socrate, etc. C'est le creuset de la pensée scientifique par essaie-erreur (mouvement et écoles mégariques > Questionner pour avancer).

D4 - Maître Eckhart, une démarche tridimensionnelle

  • Sur le schéma ci-dessous, nous pouvons constater et croire que Maître Eckhart était sur la partie basse du schéma de la cosmologie et dans la seconde épistémè à droite tout en se posant sur les fondements des écritures qui étaient la base de la culture de cette époque médiévale. Ce qui a eu pour conséquence nous semble-t-il le procès d’hérésie (Rectangle rouge en bas à droite : Axiologie).
    • Au centre, l'humain en quête de sens a cherché les causes provoquant les phénomènes. La partie haute "sophia" fut la 1er piste de réponse, celle du sacré et de la mystique, puis 2e piste de réponse fut la "philo-sophia" en bas. L'homme prenait en main son destin suivant deux épistémès : Sciences de la nature / Sciences de la culture. Au total, ces trois chemins ou axes de pensée sont toujours d'actualité. Ils sont portés par les registres de valeurs du contexte et de l'adhérence au savoir (tout en bas). De même, suivant ce que nous croyons savoir cet article va chatouiller, grattouiller, démanger ou encore mieux vous déranger. Tel était la démarche psycho-pédagogique de Maître Eckhart. Lorsque la vie n'a plus de sens, lorsque le non-sens s'installe, lorsque nos valeurs sont détruites, que reste-t-il ? Le sacré… ou l'inhibition suivi de l'auto-destruction.

 

  • La très grande particularité de Maître Eckhart était d'articuler ces trois axes ensemble : ce que nous nommons l’homme tridimensionnel. La partie haute du schéma représente le “SACRÉ” de la mystique. La partie base notre “RÉEL” de tous les jours avec à gauche le “CORPS-NATURE” incarné et à droite la “PSYCHÉ ou ÂME” qui nous amène à nous poser des questions sur le sens de la vie et ses causes. Le lien entre ces trois univers se réalise par le faîte même de penser et d'éprouver par nous-même comme de bien entendu par Maître Eckhart et non de gober tout de go :

“La liberté n’est pas le résultat de la pensée, mais l’exercice même de penser.” (Spinoza, 1954, p. XXXIV)

Par sa démarche tri-dimensionnelle, Maître Eckhart est l’un des précurseurs de l’articulation des trois dimensions humaines. Il était à la fois mystique par sa quête du sens et les bases sacrées sur lesquelles il se posait, un philosophe par sa méthode de raisonnement axiologique et un fin psychologue ou psychanalyste par sa façon de faire et d'enseigner. Nous pouvons souvent rencontrer des personnes spécialisées dans un de ces trois domaines d'expertise, mais rarement nous croisons le chemin de personnalité comme Maître Eckhart, de même pour Spinoza, qui ont articulé les trois ensemble : Sciences du sacré (mystique) - Sciences de la nature (corps) - Sciences de la culture (psyché)

Partager…