La beauté formelle existe, bien entendu, mais elle est loin d’englober toute la réalité de la beauté. Celle-ci relève proprement de l’Être, mû par l’impérieux désir de beauté. La vraie beauté ne réside pas seulement dans ce qui est déjà donné comme beauté ; elle est presque avant tout dans le désir et dans l’élan. Elle est un advenir, et la dimension de l’esprit ou de l’âme lui est vitale. De ce fait, elle est régie par le principe de la vie. Alors, au-dessus de tous les critères possibles, un seul se porte garant de son authenticité : la vraie beauté est celle qui va dans le sens de la Voie (Tao), étant entendu que la Voie n’est autre que l’irrésistible marche de la Vie Ouverte (de Rainer Maria Rilke), autrement dit un principe de vie qui maintient ouvertes toutes ses promesses. Ce critère fondé sur le principe de vie exclut toute utilisation de la beauté comme outil de tromperie ou de domination. Une telle utilisation est laideur même ; elle constitue toujours un chemin de destruction. Oui, il faut toujours éviter de confondre l’essence d’une chose et l’usage que l’on pourrait en faire.
(François Cheng (2006) Cinq méditations sur la beauté. Albin Michel. pp. 36-37).
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