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Les Sept Nuits de la reine

TitreLes Sept Nuits de la reine
Publication TypeBook
Année2012
AuthorsSinger, C
PublisherAlbin Michel
Full Text

Une femme se raconte en sept nuits comme autant d'épreuves traversées qui touchent au plus intime et au plus profond de l'être humain : de la première nuit alors qu'elle a sept ans à Berlin en 1944 et qu'elle rencontre son père pour la première et unique fois aux nuits suivantes où elle découvre la passion amoureuse, l'amour maternel puis la perte intolérable de son enfant, ce sont des pages d'indicible densité où la souffrance, le désir, la passion et le bonheur, hors des ornières du jour creusent un lit souterrain inspiré et puissant.

  • Loin de fuir le monde, je m'y suis installée au plus dense, au plus dru. Un goût immodéré de vivre ne me quitte plus. Une acuité, une vacuité joyeuse m'ont libérée de moi. En cessant de ne me prendre que pour Livia, je me suis enfin perdue et retrouvée dans tout ce qui est et dans tout ce qui respire. Les verrous ont sauté. La vie me visite où, quand et comme elle l'entend. Les rencontres ont désormais une saveur d'épiphanie. Le réflexe ancien qui consiste à vouloir attacher à notre sort les êtres qui nous émeuvent s'est mystérieusement dénoué. Je rends hommage à la plénitude de chaque instant. Et de même que la corde du luth ne résonne que tendue entre la clef et le chevalet, notre vie ne donne sa tonalité que tendue entre deux supports, deux présences aiguës. Le lien qui se crée chaque fois de neuf ne relie plus deux personnes l'une à l'autre mais chacune des deux à la Présence - et en chacune des deux, le connu à l'inconnu, le visible à l'invisible, l'instant à la pérennité. 
  • J'ai parcouru le monde - et partout où il m'a été donné de faire halte - sur le pont des navires, sur les banquettes de cars déglingués, sur les terrasses de cafés, sur les marches des temples et des sanctuaires, entre les ballots des quais de gare, dans le foyer des hôtels - j'avais rendez-vous. Tantôt porte-parole, tantôt porte-silence et témoin, j'accueillais le récit de proches ou d'inconnus, je leur donnais le mien. Des bribes, des poussières d'étoiles. Et chaque fois j'ai pu voir cette métamorphose des corps et des visages quand une parole qui n'a plus où aller trouve une oreille, quand un regard démâté, fuyant, jette l'ancre dans un regard hospitalier. De tous les miracles qui ont jonché .ma route, le plus grand m'est apparu ce qui se tisse entre deux êtres quand leurs trajectoires se frôlent. Car Celui qui est et tient le monde entre ses mains a choisi d'agir sur terre par la seule entremise des vivants - dans ce hiatus incandescent qui les sépare et tout à la fois les unit. 
  • (…)
  • Je peux laisser dehors la ville exister sans moi. Je n'ai plus besoin de tout faire par moi-même, de tout vivre par moi-même; d'autres le font, le vivent pour moi. M'atteint la promesse du tout début : l'assurance de la jeunesse éternellement renouvelée du monde. Ce que tu laisses derrière toi n'est pas perdu ! Et si tu t'ingéniais à toujours être la même, à toujours être vue, comment ton visage de nuit trouverait-il sa forme ? 
  • (…)
  • Hiatus incertain, frémissant. Acrobatie sur un fil de vierge. Un siècle dure moins qu'un pareil instant... Il me reste en somme le coeur débordant d'amour, à maintenir un temps encore cette flottaison entre deux abîmes qu'est toute vie.

Vous le savez tout comme moi : ce qui reste d'une existence, ce sont ces percées de présence sous l'enveloppe factice des biographies. Je vous envoie le récit de sept nuits (sans omettre la nébuleuse des jours qu'elles éclairent).Pourquoi sept nuits ?Parce que Dieu a créé le monde en sept jours et l'a confié aux hommes, Il a donné aux femmes la garde des nuits. Il faut en comprendre la raison. Les nuits sont trop immenses, trop redoutables pour les hommes. Non, bien sûr, que les femmes soient plus courageuses ; elles sont seulement plus à même de bercer sans se poser de questions ce que la nuit leur donne à bercer : l'inconnaissable.Nos longues conversations ont porté fruit. Votre Livia

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