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Les deux sujets de l'éducation

TitreLes deux sujets de l'éducation
Publication TypeBook
Année1996
AuthorsDufour, DR
Number of Pagespp. 29-44
PublisherMagazine
Mots-clésarticulation, articuler, connaissance, logos, mythos, Savoir, savoir démonstratif, savoir narratif
Full Text

 

Savoir narratif du Mythos & Savoir démonstratif du Logos

Je persiste à croire que l’évocation de la coupure mythos/logos n’a rien de la référence vaguement cuistre et forcément obsolète qu’on lui prête parfois, mais qu’elle est, au contraire, plus actuelle que jamais, susceptible comme telle de renouveler certaines problématiques (y compris sociologiques) en éducation. Ce sont deux formes de savoir… (Dufour. DR. 1996 pp. 29-44)

 

Notes en tension dialectique

  • Deux formes et univers de savoir Logos / Mythos
    • Mythos : Savoir narratif
      => rapport sujet/sujet > advenue d'un sujet singulier > la place d'un sujet parmi les autres > Ipséité de Ricœur
    • Logos : Savoir démonstratif
      => rapport sujet/monde = condition et énoncé > Mêmeté de Ricœur

Citations

  • “Je persiste à croire que l’évocation de la coupure mythos/logos n’a rien de la référence vaguement cuistre et forcément obsolète qu’on lui prête parfois, mais qu’elle est, au contraire, plus actuelle que jamais, susceptible comme telle de renouveler certaines problématiques (y compris sociologiques) en éducation. Ce sont deux formes de savoir. […] Ces deux univers de discours renvoient en fait à deux univers de savoir différents que je propose de distinguer. […]
    • Le savoir narratif intéresse notre capacité à raconter. Il se rapporte à l’aptitude narrative telle qu’elle se manifeste depuis la nuit des temps par la production de versions de récits s’agrégeant sans fins aux mythes. Il mobilise un fonds infini de légendes, de contes, d’histoires, grandes ou petites, familiales, locales, communautaires ou nationales, qui ne cessent de se renouveler à mesure que les sujets se relaient au fil du temps dans l’exercice de la parole. […] C’est donc une fonction éminente de socialisation qui est assurée par le savoir narratif puisqu’à travers son usage, il s’agit de rien de moins que de devenir narrateur à son tour, c’est-à-dire locuteur parmi d’autres locuteurs. C’est en effet la question de la place du sujet parmi les autres sujets qui est traitée dans les chaines de transmission du récit. Le savoir narratif agit donc comme un régulateur essentiel dans l’accès de chacun à l’activité favorite de l’espèce parlante : le discours. […]
    • Le savoir démonstratif met en jeu une tout autre modalité discursive que celle du savoir narratif qui accompagnait les êtres parlants depuis la nuit des temps. Par rapport à cet archaïsme du savoir narratif, on peut dire que le savoir démonstratif est récent dans l’histoire de l’humanité puisqu’il n’est inventé qu’au Ve siècle avant notre ère, en Grèce, avec la philosophie. […] Il faut ainsi bien comprendre que le savoir démonstratif ne s’intéresse plus à l’advenue d’un sujet singulier qui pourrait ou non faire le lien avec les autres. Il s’en désintéresse d’ailleurs au point de faire de ce rejet la condition même de sa propre possibilité : soit je reste dans le savoir narratif et, en fait de monde, je ne peux rencontrer que mes propres illusions ou les illusions partagées par la communauté, soit je sors du narratif et renonce à ces illusions pour accéder au démonstratif et à quelque réel inaccessible autrement. Face à l’objet est ainsi posé un sujet qui n’est plus un sujet singulier, mais un sujet universel. Par sujet universel, il faut entendre que tout locuteur placé dans les mêmes conditions sera conduit à produire le même énoncé que moi. […]
  • Il n’y a donc plus un sujet de l’éducation, mais deux : le sujet du savoir narratif et celui du savoir démonstratif. Le premier est un sujet parmi d’autres sujets (rapport sujet-sujet) lié à ces derniers par des histoires ; le second est un méta-sujet, engagé dans un processus de dévoilement de la réalité du monde (rapport sujet/monde). Ces deux sujets, parce qu’ils n’ont pas les mêmes intérêts, ni les mêmes questionnements, ni les mêmes façons de faire sens, qu’ils n’habitent pas les mêmes univers sémiotiques, creusent la pratique éducative d’une irréconciliable fissure interne au point que cette pratique ne peut être définissable autrement que comme le lieu où se manifeste en acte cette discontinuité […] Penser cette discontinuité, c’est tout d’abord sortir de l’éternel débat entre le tenants du développement de la personne d’un côté et les tenants de l’exigence des contenus de l’autre. Car penser soit l’un, soit l’autre, c’est ne pas penser l’acte éducatif comme lieu d’une permanente dynamique conflictuelle entre les deux.”
  • Dufour, D.R. (1996). Les deux sujets de l'éducation, Bouchard, P. La question du sujet en éducation. Paris : l'Harmattan, pp. 29–44

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