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Merlin l’Enchanteur

TitreMerlin l’Enchanteur
Publication TypeJournal Article
Année1992
AuthorsMarkale, J
Mots-clésfantasme, gynécocratie, hiérogamie, humanité, inceste sacré, mythe, origine, totalité vitale, toute-puissance
Full Text
  • Trois fantasme récurants dans les mythes du monde
    • inceste sacré > But : re-naître plus puissante > Moyen : Dyade de l'excellence incestuelle
    • Toute-puissance > Désir de la restitution de la scène originelle
    • Retour à l'origine > Fœtus > Totalité vitale > Métaphore de l'îles sacrée
  • Mythes & Fantasmes : toute-puissance, inceste sacré…
    • Pour l'auteur, Jean Markale, la matière onirique des mythes et non leurs logiques (Eliade, M. 1972, Mythes, rêves et mystères & Vernant, J.-P. and P. Vidal-Naquet 1986, Mythe et tragédie en Grèce ancienne) serait représentative des fantasmes de l’humanité en quête de sens. Le retour à l’origine par l’union de “l’inceste sacré” et la toute-puissance induite sont bien tous les deux présents (Markale, 1992, pp. 125-135). Le thème de l’inceste fraternel des rois demi-dieu et des divinités n’a rien qui puisse nous étonner. Ce thème a été développé dans toutes les mythologies des civilisations gynécocratiques. Il se présente comme la dyade de l’excellence à l’image du hiérogame parfait. Jean Markale nous précise que c’est le privilège des dieux :
      • “Car l’inceste est interdit au commun des mortels : il n’est réservé qu’à des êtres d’élite, des personnages assez forts pour supporter le choc magique que provoque une telle union. Il s’agit avant tout la hiérogame, d’une union symbolique entre deux êtres qui ont une naissance identique. Le mythe de l’androgyne primitif est toujours présent : à partir du moment où l’espèce était sexuée si, c’est-à-dire coupée en mâle et femelles, chacune des composantes ne rêve qu’à rejoindre sa moitié complémentaire” (Markale, 1992, p. 135). Cet auteur nous rappelle que dans les mythes, “L’inceste est alors vécu comme une nécessité ; il s’agit du rajeunissement de la divinité, de sa métamorphose : de vieux soleils qu’ils étaient, Osiris en s’accouplant avec sa sœur Isis, devient son propre fils, Horus le jeune soleil. (…) D’où l’importance de l’inceste prit comme union la plus pure et la plus parfaite de deux êtres qui sont appelés à bouleverser la face du monde.” (Markale, 1992, pp. 138-139).
    • De même, dans les mythes de la Grèce ancienne, à l'origine régnait Chaos, puis arrive Gaia (la terre comme déesse mère ou princeps) avec l'aide d'Eros, elle s'autoengendre et accouche d'Ouranos (le ciel). Ensuite elle s'accouple avec lui. Nous avons ici même le mariage sacré (mère-fils) comme symbole de l’équilibre entre le ciel et la terre. Viendra ensuite Kronos (le temps), fils de cet inceste qui émascule Ouranos son père libérant ainsi ses frères et sœurs. Puis Kronos désirant conserver sa suprématie va dévorer ses propres enfants engendrés avec devinez qui… sa propre mère Gaia. Mais un d'eux réussira à s'échapper : Zeus. (ceci est l'une des multiples versions)…
      • Le commencement de la vie raconté par Hésiode, VIIIe siècle av. J.-C. Il le met en scène dans le mythe de Kronos : “ainsi fut créé le Monde, et la Nuit et le Jour…” comme avènement de l’espace. Dans ce mythe, tout commence par un accouplement antagoniste, la rencontre entre Ciel (Ouranos) et Terre (Gaïa), provoqué par Désir (Éros) : “Alors que Ciel, pour marquer le triomphe de l’identité, refuse de desserrer son étreinte, empêchant ses enfants de naître, Terre, pour défendre l’altérité réprimée, invente un stratagème qui permettra à sa progéniture de voir le jour. Au plus profond de ses entrailles, elle arme le bras de son fils aîné, Kronos, et lui donne l’ordre de châtrer son père, afin qu’il se retire, libérant ainsi l’espace dans lequel vont s’engouffrer les générations à venir. […] devenu le nouveau maître de l’univers, Kronos, à qui Ciel avait prédit qu’il serait à son tour détrôné par l’un de ses fils, se met à dévorer ses enfants dès leur naissance […] Mais l’un d’entre eux échappe à son affection dévorante. Il devient le nouveau patron de l’Olympe, père des dieux et des hommes, connu sous le nom de Zeus.” (Wismann, 2013 p. 19).
         
  • Trois fantasmes récurants
    • Pour le premier la toute-puissance avec le “complexe du voyeur” (ibid p. 149) du tout voir sans être vu induisant le désir de la restitution de la scène originelle ou primitive du coït parental.
       
    • Le second est “l’inceste sacré” du désir de “renaître” à nous-même après une cure de jouvence et de fortification.
       
    • Le troisième exprime le désir de l’origine du lieu d’attache, la “Maison de Verre” inaccessible. Elle reste invisible aux hommes du commun; celle-ci serait la métaphore  du ventre maternel où le fœtus flotte dans le liquide amniotique. Elle est souvent représentée par une île sacré hors du temps gouvernée par des femmes. Ainsi, l’interprétation des mythes par Freud n’est pas fausse lorsqu’il s’agit de parler des hommes du peuple.
       

Lexique

  • Hiérogamie : Union sacrée entre deux divinités ou deux principes opposés de sexe différent, mariage à caractère rituel dans certaines croyances.
  • Gynécocratie : Civilisation où les femmes ont le droit de gouverner ou bien lorsque le pouvoir est détenu par les femmes
     

Citations

  • La naissance de Merlin
    • « Furieux de voir que Jésus est venu sauver des âmes qui se trouvent en enfer, Satan décide d'envoyer sur terre un Antéchrist qui naîtra d'un diable et d'une femme. » (Markale, J. 1992, p. 29)

 

  • …Merlin parle de son origine…
    • « Sache que je suis le fils d'un ennemi qui a trompé ma mère. Et sache que ses ennemis ont nom incubes et habite dans l'air. Dieu a permis que j’eussent leur science infuse et leur mémoire, et je sais comme eux les choses faites et dites et passées. Mais de plus, à cause de la bonté de ma mère, de son repentir et de sa pénitence, notre seigneur a permis que je connusse aussi les choses de l'avenir. » (Markale, J. 1992, p. 30) Def. incube : Démon qui s’accouplait aux femmes endormies en se plaçant elles)

 

  • Place de l’inceste sacré
    • « Le thème de l'inceste fraternel n'a rien qui puisse nous surprendre. C'est un thème qui a été développé dans toutes les mythologies et qui se présente comme l'image du hiérogame parfait, de la dyade par excellence, avec tous ceux que cela comporte de prolongement ésotérique, mystique et théologique. (…) C'est le mythe de Zeus et de Héra, ou de Jupiter et de Junon : le fait qu'ils soient frères et sœurs, enfants de Khronos et de Caia, n'empêche pas leur mariage sacré, lequel est le symbole de l'équilibre entre le ciel et la terre. Au reste, il est vrai que dans l'ancienne Égypte les Pharaons épousaient obligatoirement leurs sœurs, et que cette pratique se retrouve dans l'ancienne Perse, en Arménie et chez les Incas. Au Japon chez les Esquimaux, qui semble avoir eu, à l'origine, une culture identique le mythe du Soleil–Femme et de la Lune–Homme nous présente le plus primordial, celui du frère et de la sœur qui sont en même temps amants et époux. Et si l’on comprend bien le mythe de Psyché, il s'agit encore de la même chose. (…) Le soleil est Psyché et son frère, la Lune est l'amour. L'interdiction faite à Psyché de regarder son amant en pleine lumière se réfère à cette course-poursuite perpétuelle entre le Soleil et la Lune, mais Psyché, qui veut absolument savoir qui est son amant, lui barbouille le visage de suie : ainsi comprend-t-elle qu'il est son frère la Lune. (…) C’est dans les civilisations dites primitives que l'inceste fraternel apparaît comme le plus sacralisé, bien que soumis à des interdits majeurs. » (Markale, J. 1992, pp. 131-132)
       
    • « L’inceste est interdit au commun des mortels : il n'est réservé qu'à des êtres d'élite, des personnages assez forts pour supporter le choc magique que provoque une telle union. Il s'agit avant tout d'un hiérogame, d'une union symbolique entre deux êtres qui ont une naissance identique. Le mythe d’Androgyne primitif est toujours présent : à partir du moment où l’espèce a été sexuées, c'est-à-dire coupée, en mâle et femelle, chacune des composantes ne rêve qu'à rejoindre sa moitié complémentaire. Et quelle réunion peut-être plus idéale, plus significative que celle du frère et de la sœur ? » (Markale, J. 1992, p. 135)
       
    • « D’où l'importance de l'inceste prit communion la plus pure et la plus parfaite de deux êtres qui sont appelés à bouleverser la face du monde. » (Markale, J. 1992, p. 138)
       
    • « L’inceste est alors vécu comme une nécessité ; il s'agit du rajeunissement de la divinité, de sa métamorphose : de vieux soleil qu'il était Osiris, en s'accouplant avec sa sœur Isis, devient son propre fils, Horus, le jeune soleil. Et si l'on prend la Bible à la lettre, il est impossible de considérer la descendance de Japhet autrement que par le résultat de l'inceste pratiqué avec Eve et Japhet.  Et c'est dans la Bible, encore une fois, qu'on trouve des exemples d'un autre genre d'inceste, celui des filles de Loth, qui s'accouplent avec leur père, pour assurer une descendance à la race. Le but utilitaire est primordial est mis en avant comme pour excuser la lui-même qui est scandaleux au regard de la loi. D'ailleurs Loth n'était pas acteur conscient dans cette opération, et il est bien précisé que toute la faute, si faute il y a, doit retomber sur les filles. C'est l'indice d'une époque gynécocratique, où le mâle n'est rien en dehors de son rôle procréateur. mais c'est aussi la preuve que les rapports entre père et filles peuvent être privilégiées dans certaines circonstances. » (Markale, J. 1992, p. 139)

 

  • Lieu des divinités : la Maison de Verre
    • Idem fœtus dans le ventre ou les divinités se présentent en Femme-Eau, Femme-Miroir, Femme-Soleil
       
    • « La première analogie se rapporte à l'eau, qui elle aussi, est infranchissable et pourtant translucide. (…) Il y a là un rappel de la situation intra-utérine, ou le fœtus flotte sur le liquide amniotique. C'est pourquoi le paradis, celtique en particulier, est souvent représenté comme une île. La seconde analogie se rapporte à la glace. (…) Les remparts de glace sont donc tout à fait intégrés dans les croyances concernant un pays mystérieux, séparée du reste du monde par des murailles infranchissables et qui se présente comme du verre. (…) La troisième analogie et la réflexion intense de la lumière du soleil, d'où l'apparition d'un nouveau concept mythologique intégrant le soleil dans le domaine mystérieux où l'on ne peut pénétrer. » (Markale, J. 1992, pp. 147-148)
       
    • « Car la forêt et la grotte représentent précisément ce monde clos et féminin où règne la sensibilité et non plus la logique, monde où vraiment le cœur a ses raisons que la Raison ne connaît pas. » (Markale, J. 1992, p. 152)

 

  • La place du Fou-Schizophrène, lien entre les dieux et l’homme
    • « On a, à l'heure actuelle, perdu le sens profond de la folie. On écarte de la vie quotidienne les schizophrènes, qu'on enferme dans les asiles, soi-disant tels, et on laisse en liberté les paranoïaques, leur donnant généralement les places de premier rang dans la société. Il n'en était pas ainsi dans les civilisations dites primitives. Le schizophrène était intégré au groupe social et il était respecté par lui comme détenteur d'une certaine sagesse, d'un certain savoir. Et puis, le fou, c'était celui qui avait la tête vide, celui qui avait réalisé l'état d'extase, et qui pouvait donc être en contact avec toutes les forces spirituelles. Le Fou était l'inspiré des dieux, le médium sacré qu'on écoutait, et qui indiquaient souvent le chemin à suivre. Mais ce fou, c'était le Schizophrène. Le Paranoïaque était écarté, banni du groupe, parce qu'il était dangereux, sanguinaire, provocateur de catastrophe. » (Markale, J. 1992, p. 188)
       
    • « Le Fou agi de façon non seulement anachronique, mais aussi de façon diabolique, au sens étymologique du terme. C'est-à-dire qu'il « se jette en travers » de ce qui est considéré comme normal, qu’il tourne à la dérision (…) Le Fou dérange l'ordonnance du monde. Et c'est paradoxalement, par là qu'il a une action positive, car il oblige les hommes à repenser le monde, à le remettre en question et à trouver de nouvelles solutions à leurs problèmes. (…) Le fou est l'inversion incarnée. Il a la tête à l'envers. (…) On se moquera de lui. Mais il fait peur. Car celui qui a d'étranges visions fait peur. Ils risquent non seulement de ne pas être entendu, ils risquent le bûcher pour non conformité au dogme. Car il est le diable. » (Markale, J. 1992, pp. 189-190)

 

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