A - Illustration clinique

Tous les enfants sont des grands curieux des mystères des origines et bien plus. Ils cherchent quoi au juste ? Ils cherchent à savoir, à comprendre, à discerner, mais pourquoi ? Ainsi ils vont sans arrêt peser le pour et le contre, ils évaluent… Évaluer serait notre capacité à mettre un pieds devant l'autre, à se mettre en marche de notre vie…

A 1 - Constat

  • Stanislas Dehaene, neuroscientifique expert en psychologie cognitive expérimentale et professeur au collège de France, écrit en juin 2017 : “contrairement à ce que l’on pensait, le bébé est déjà extraordinairement compétent. Bien avant de parler, il a des intuitions mathématiques, une connaissance de soi et des autres, et, à un an peut-être même avant, il sait déjà qu’il ne sait pas. Il est, autrement dit, déjà doué de métacognition, ce qui est fondamental dans l’apprentissage. Son cerveau agit comme un petit scientifique : il formule des hypothèses, les teste, les corrige. Les compétences existent donc beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait…" (Le Point 2337 juin 2017 p.50).

    • Ceci rejoint la réflexion de la maternologie sur la maturité neurologique du fœtus et du petit enfant. Ce qui est “immature” serait uniquement dû à ce nouvel univers physiologique hétérogène à appréhender une fois né.

A 2 - Illustration clinique

  • À l’origine, tous les enfants utiliseraient sans le savoir cette capacité d’évaluation comme processus primaire. Ils évalueraient sans cesse, les neurosciences nous le confirment. D’un côté ils sont en quête de critères de valeurs et de l’autre ils sont en quête de sens. Tout deux leurs permettront d’asseoir leur propre permanence, leur temps-propre de leur Moi. Comprendre ce phénomène et le favoriser, c’est optimiser le développement de la psyché. Dans le cas contraire, le non-sens et les critères de valeur à géométrie variable vont perturber ce phénomène comme processus primaire. Un petit enfant est toujours en quête des limites, de ce qui fait valeurs pour l'autre, pour élaborer ses pensées et ajuster ses conduites. Ce phénomène primaire du processus d'évaluation est identique chez l'adulte. Pour illustrer cela, nous replaçons ici notre petite histoire de la petite fille curieuse des origines :
    • “Une petite fille demande à sa maman comment le monde a été créé. Sa maman lui raconte l’histoire de la Bible, Adam et Eve, etc. puis elle lui dit d’aller aussi demander à son père. Ni une ni deux, la petite fille va le voir et lui pose la même question. Il lui répond par la théorie de l’évolution avec les singes, la position debout, etc. Quelque temps après, la petite fille retourne voir sa maman et lui dit que papa ne dit pas comme elle. Quand toi tu parles des anges, lui, il parle des singes. Sa mère lui répond en lui faisant un clin d’œil : “Voilà superbe, tu as tout compris, moi je viens des anges et ton père des singes ; mais si tu le veux nous pouvons chercher d’autres légendes et théories comme le bigbang qui parlent de la création du monde.”

A3 - Instruire "Quoi savoir" ou éduquer "Comment savoir"

  • Cet accompagnateur, parent, enseignant, adulte… n’affirme pas le vrai typique d’une pensée statique de la rhétorique. Nous sommes ici en présence de la posture du pédagogue. Il sollicite et stimule ainsi l’accompagné qui se questionne. Il privilégie la pensée dynamique dialectique (Ange / Singe) pour que l’accompagné pense par lui-même. Il ne lui impose pas une version de l’histoire, il autorise ainsi l’accompagné à sélectionner ce qui lui parle le plus (valeurs référentes), puis à l’interpréter et choisir son propre sens. En stimulant le processus d’évaluation et la façon de penser de l’accompagné, celui-ci peut s’autoréguler et ainsi se créer (boucle d’apprentissage par auto-régulation du sujet).
    • Quand pour certains le dernier modèle de l'évaluation située n'est qu'une théorie, pour nous, ce dernier né dans les modèles présentés dans l'ouvrage de Michel Vial (2012), "Se repérer dans les modèles de l'évaluation", nous semble bien être ce processus primaire fondateur du sujet en élaboration de lui-même (en psy. individuation ou stade du miroir). L'évaluation située serait en amont et non en aval de tous les autres modèles du contrôle par la mesure (rapport à une norme) et par la gestion (rapport à un contrat). Elle serait opérationnelle depuis la naissance du psychisme et ainsi ce serait le processus fondateur comme clé de voûte du petit enfant en quête de valeurs-sens pour s'élaborer et marcher vers son humanitude : "le sens (…) tressé avec l’action, il est pris dans l’agir, il est dans le travail d’intelligibilité, dans l’évaluation permanente, une dimension de l’agir." (Vial M., 2012). Le processus d'évaluation primaire, nommé située, ouvrirait le théâtre de notre propre vie en relation à autrui.

La psycho-pédagogie travaille tout autant sur la dynamique du psychisme du Sujet des valeurs internes, que sur le contexte Social des valeurs externes. Mais surtout cette pratique met en travail l’évaluation en acte ou située reliant ses deux espaces en questionnant les critères de valeurs (internes/externes) étayant le sens et l’agir. Ainsi, nous bâtissons ou restaurons ensemble cette "puissance d’être de l’Être" (Misrahi) en souffrance ou en manque de son processus primaire d'évaluation sclérosé : réapprendre à marcher, à mettre un pied devant l'autre.