D - Épictète (50-125 ap. JC)

 

D1 - Notre façon de penser, la qualité de la pensée et du penseur

  • Cet auteur est un philosophe de l’école stoïcienne. En intégrant le phénomène de changement du paradigme héraclitéen, il développe l’idée que c’est notre façon de penser et de mettre en mouvement la pensée qui nous affecte :
    • “Ce qui trouble les hommes ce n’est pas les choses, ce sont les jugements (opinions) qu’ils portent sur les choses. […] n’en accusons jamais d’autres que nous-même, c’est-à-dire nos propres jugements (opinions). Il est d’un ignorant de s’en prendre à d’autres de ses malheurs ; il est d’un homme qui commence à s’instruire de s’en prendre à lui-même ; il est d’un homme complètement instruit de ne s’en prendre ni à l’autre ni à lui-même.” (Manuel d’Epictète chapitre V, dans Marc-Aurèle, 1995, P. 185-186)

D2 - Nous sommes affectés par ce qui dépend de nous

  • Épictète dissocie ce qui dépend de nous, notre façon de pensée le réel, et ce qui ne dépend pas de nous, le réel. Ce ne sont pas les choses qui nous affectent mais nos opinions et jugements de valeurs sur les événements. Pour Épictète, si nous dissocions ce qui nous est propre, de ce qui ne l’est pas cela nous permettra d’atteindre la sagesse, la beauté et la paix. Dans le manuel d’Épictète en chapitre I :
    1. Il y a des choses qui dépendent de nous ; il y en a d’autres qui n’en dépendent pas. Ce qui dépend de nous, ce sont nos jugements, nos tendances, nos désirs, nos aversions : en un mot, toutes les œuvres qui nous appartiennent. Ce qui ne dépend pas de nous, c’est notre corps, la richesse, la célébrité, le pouvoir, tout ce qui ne nous appartient pas.
       
    2. Les choses qui dépendent de nous sont par nature libres et sans empêchements, sans entraves ; celles qui n’en dépendent pas sont inconsistantes, serviles, capables d’être empêchées, étrangères.
       
    3. Souviens-toi donc que si tu te crois libre ce qui par nature est servile, et propre à toi ce qui est étranger, tu seras entravé, affligé, troublé, et tu t’en prendras aux Dieux et aux hommes. Mais, si tu crois tien cela seul qui est tien et étranger ce qui t’est en effet étranger, nul ne pourra jamais te contraindre, nul ne t’entravera ; tu t’en prendras à personne, tu n’accuseras personne, tu ne feras rien malgré toi ; nul ne te nuira ; tu n’auras pas d’ennemi, car tu ne souffriras rien de nuisible.
       
    4. Toi donc qui aspires à de grands biens, (sagesse) souviens-toi qu’il ne faut pas médiocrement te démener pour les atteindre, mais qu’il faut absolument en répudier certains, et en ajourner d’autres pour l’instant. Mais si, entre ces biens, tu veux encore et richesse et pouvoir, peut-être n’obtiendras-tu pas ces derniers biens, du fait que tu aspires également aux premiers. Mais il est, en tout cas, absolument certain que tu n’obtiendras pas les seuls biens d’où proviennent liberté et bonheur.
       
    5. Ainsi donc, à toute idée pénible, prends soin de dire : "Tu es idée, et tu n’es pas du tout ce que tu représentes." Puis, examine-la, et juge l’a selon les règles dont tu disposes, surtout d’après cette première qui te fait reconnaître si cette idée se rapporte aux choses qui dépendent de nous, ou celles qui n’en dépendent pas. Et, si elle se rapporte à celles qui ne dépendent point de nous, soit prêt à dire : "Cela ne me concerne pas".

Par cette proposition d’Épictète, s’attacher à la qualité de nos pensées serait la première chose à faire sans accuser autrui ou soi-même. Notre confusion porterait sur ce qui est réellement dépendant de nous-même. Nos pensées et notre façon de penser en seraient une des clés.

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  • Le manuel d'Epictète dans Marc-Aurèle (1995). Pensées pour moi-même, trad: Garnier.