B - Se réguler serait apprendre…

Lorsque nous allons à la rencontre d’un professionnel de la santé physiologique et/ou psychologique suite à un évènement fâcheux, ce professionnel sachant a deux orientations possibles : diagnostic affirmatif ou diagnostic estimatif.


B1 - Les deux postures du sachant (Guider / Accompagner)

  • Posture de guide, il affirme et prescrit…
    • Ce professionnel va mettre en route son système d’évaluation et d’expertise complet : Analyse - Diagnostic - Pronostic - Prescription. S’il pense que son savoir est fondé et juste, il vous cataloguera dans une nosographie se rapportant à son métier. Puis il vous guidera par ici ou par là. Ici nous sommes dans une démarche d’aide à la personne. Cette démarche est nécessaire dans le cas de comportements extrêmes comme les suicidaires, cela peut-être enrayés par la prise d’antidépresseur. Lorsque nous avons mal à une dent, nous sommes bien contents de l’efficacité de notre dentiste. Mais cette démarche n’est pas une fin en soi mais un moyen de palier à l’urgence.
  • Posture de l’accompagnateur, il estime et fait travailler…
    • Ce professionnel va aussi mettre en route son système d’évaluation et d’expertise, mais il s’arrêtera à l’analyse et au diagnostic. Il ne nous dira pas forcément ce qu'il estime afin de ne pas fermer le dialogue, puis il va essayer de comprendre le processus qui génère notre problématique. Ici nous sommes dans une démarche d’accompagnement de la personne (Vial, M., & Mencacci, N. 2007) typique d’une approche clinique estimative de certain éducateur, coach et “psy-quelque-chose” mais pas tous. De même, l’Éducation Thérapeutique du Patient (ETP) est en droite ligne de cette démarche (Revillot 2016). Un thérapeute expérimenté ne dit jamais à son client sa psychopathologie estimée : ”Madame, vous avez un profil d'hystérie obsessionnelle doublée d’un zeste de paranoïa, vous êtes donc borderline ou état-limite" - ce thérapeute fera travailler sa cliente sur son analyse et son diagnostic estimés comme piste probable.


B2 - Les deux postures de l’accompagné (Régulariser / Réguler)

  • Que se passe-t-il du côté de la logique de régulation de l'accompagné face à ces deux postures du professionnel ? Entre se régulariser et se réguler quelle est la nuance pour l’accompagné, enfant, élève, patient, client, etc ?
     
  • Régulariser
    • Dans le cas de la régularisation, nous avons cette idée d’un retour à la norme instituée. La psychiatrie qui se réfère au DSM5 analyse vos comportements, il les compare et il définit s’il y a un trouble de quelque chose ou non sur la courbe de Gausse du normal et du pathologique. Si vous lisez le DSM5, vous constaterez avec effroi que nous sommes tous très troublés et ainsi nous devons tous régulariser nos comportements sociaux (Landman 2013 - Corcos 2011). Dans un autre univers, celui de la santé physiologique, lorsqu’un organe est défaillant, son remplacement ou son étayage pour qu’il re-fonctionne est dans ce cas-là, la seule solution possible. La logique de régulation par régularisation a aussi du bon suivant les métiers pratiqués et les attentes des clients.
      • Les dispositifs d’évaluation du contrôle (mesure & gestion), en imposant leurs critères de valeurs aux sujets, sont toutes des logiques de régulation par régularisation ou d’auto-régularisation. Nous sommes dans une démarche conformatrice de normalisation et d’expertise. C’est une approche fonctionnaliste et structuraliste nécessaire pour vérifier la bonne marche de l'organe incriminé : santé d’un corps de même pour une structure sociale.
  • Réguler
    • Dans le cas de la régulation, nous n’avons plus cette idée d’un retour rétrospectif à un savoir institué comme norme. C’est l’accompagné, le patient ou client qui se régule lui-même en fonction de ce qu’il appréhende. Le professionnel n’est plus là seulement pour faire un pronostic et prescrire, il est surtout là pour éduquer son patient : hygiène physiologique et psychologique, contexte plus ou moins toxique, etc. Libre au patient de choisir les bénéfices qu’il obtiendra de cela. La “bonne-heure” est pour certains bâtis de leur “mal-heure” comme seul réalité (Chronicité : les addictions, les dépressions, etc & bénéfices secondaires).
      • Le dispositif d’évaluation située "performative", en laissant le sujet questionner et sélectionner ses critères de valeurs, développe chez ces derniers la capacité de se réguler et de s’auto-réguler dans un contexte et en situation. Nous sommes dans une démarche d’émancipation, d’autonomisation du sujet. Cette logique de régulation par auto-régulation est une approche éducative indispensable au sujet en devenir.

Pour le sujet, notre première maxime “Évaluer serait exister” se complète d’une seconde “Se réguler serait apprendre” (Vial 1996). Mais cette capacité de se réguler du sujet dénote d’autres capacités intriquées : celle de pouvoir choisir, celle d’élaborer du sens (compréhension), celle d’évaluer (peser le pour et le contre) et celle de savoir ce qui vaut pour elle-même (les valeurs). Ainsi, nous pouvons constater qu’il est cent fois plus facile de déléguer cela à un expert que de marcher par soi-même du couple (Évaluer-Réguler), bien sûr si nous avons appris à le faire.