E - Temps : Thermique & Émergent

 

E1 - Et si le temps n’existait pas ? (Extrait du livre)

Un extrait du livre passionnant de Carlo Roselli (2014). Et si le temps n’existait pas ? Dunod pp. 113-120. Il relate sa rencontre avec Alain Connes mathématicien et physicien. Le départ du dialogue concerne un point de convergence sur l'émergence du temps. Alain Connes dit : "J'ai une idée formidable sur la façon dont le temps émerge, mais personne ne l'a prise au sérieux"… Carlos Roselli raconte…

  • "J'ai beaucoup travaillé sur cette idée de temps comme phénomène émergent et sur l’idée mathématique qui la soutient ; celle-ci doit montrer comment des phénomènes typiques liés au passage du temps peuvent émerger d’un monde atemporel […] Notre idée est de considérer le temps comme phénomène émergent, à partir de la mécanique quantique et de la thermodynamique. J’appelle ce “temps thermique”. […]
    • Dans les systèmes thermodynamiques, le comportement est probabiliste et l’entropie augmente avec le temps. C’est ainsi que le temps de notre expérience est produit. À l’inverse, les systèmes qui ne sont pas thermodynamiques, comme un atome seul ou une particule voyageant dans l’espace, ne sont pas concernés par l’entropie et ne présentent pas les phénomènes typiques du temps. Tout est réversible pour eux, ils ne vivent pas le temps comme une variable spéciale.
      • Revenons à l’exemple du Haut et du bas. Ce sont deux notions fondamentales dans notre expérience quotidienne, mais absent dans les équations de base de la physique classique. Le haut et le bas n’existent pas dans l’univers, toutes les directions sont équivalentes. Localement, sur la terre, les objets tombent vers le bas à cause du champ de gravité. Ce n’est pas le bas qui fait tomber les objets. C’est la chute des objets qui “fait exister le bas” – donc exactement le contraire. Le bas est défini par les conditions locales, c’est une résultante, un effet, une conséquence du champ de gravité local. Le bas, c’est simplement “là où ça tombe”.
        • Le temps peut-être vu de façon similaire. “Avant” ou “après” sont des mots qui ne veulent rien dire au niveau fondamental. Pour un proton, il n’y a ni avant, ni après, toutes les équations sont exemptes de la variable temps. Mais si on parle d’une molécule incluse dans un liquide, inclus dans un organe, inclus dans un perroquet par exemple, ces niveaux d’organisation sont soumis aux lois de la thermodynamique et à des états statistiques qui produisent de l’entropie (perte d'énergie > Froid). Et par conséquent du temps. Le temps, c’est simplement “là où ça entropise”. La direction vers laquelle on observe que l’entropie augmente, nous l’appelons le temps.
          • La chute fabrique le bas, comme l’entropie fabrique le temps.
          • Le bas, c’est “là où ça tombe”. Le temps, c’est “là où ça refroidit”.

E2 - Qui est alors à cette origine du temps ?

  • Pour expliquer cela, nous allons utiliser la métaphore du vent. Le vent n’existe pas en soi comme principe premier. Ce qui va créer le vent, c’est la rencontre d’une différence thermique entre des couches chaudes et froides de l'atmosphère. Le vent est l’enfant résultant de cette rencontre. Ainsi, de même le temps serait l'effet d'une cause.
    • De ce point de vue de la thermodynamique, le temps serait la résultante d’une rencontre : l’altérité qui reconnaît ou non notre mouvance. Ce lien serait ce temps où sans l’autre point d’émergence de notre "temps propre" du "temps thermique".
      • Le temps ne serait plus princeps de la mesure d’un rapport à un cycle, il n’accueillerait pas les évènements comme conteneur, c'est la fonction de l'espace. Le temps émanerait et émergerait d’un constat d'une différence et d'une relation re_con_naissante de celle-ci. Dans ce cas là, se pose en priorité la question de la qualité de l'intersubjectivité et celle de l'éthique de la relation reliant (Sujet/Social) soutenue par nos critères de valeurs.

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  • Thermodynamique : Étude des phénomènes permettant de transformer l’énergie thermique en énergie mécanique.
  • Entropie en physique : Grandeur thermodynamique permettant d’évaluer l’état de dégradation de l’énergie d’un système (entropie de Clausius).