D - Management & Imaginaires

Nouveau champ d’investigation au sein de la recherche et des organisations, l’imaginaire n’est plus considéré comme instance de fabulation, mais comme l’élément moteur des projets et des acteurs dans l’organisation. Mais cet imaginaire, il peut-être leurrant ou fécondant. Quand est-il au juste ?

 

D1 - Imaginaire & Projet

  • L’imaginaire est le lieu où toutes formes de projet prend ses racines. Sans imagination, point de désirs, point d’aspirations et ainsi point de projet. En l’absence totale du verbe moteur imaginer, c’est l’état dépressif des acteurs et des organisations qui se constate. L’imaginaire engendre les projets, qui a leur tour provoquent la mise en mouvement des acteurs vers une finalité.

 

D2 - Capacité d’imaginer ou avoir de l’imagination

  • L’imaginaire n’est pas une “chose” contenant des images ou des représentations. Tout comme la respiration, l’évaluation, la régulation, l’imagination est un processus actif. C’est un verbe d’action, celui d’imaginer (certains mots se terminant par -ion). Cette action va élaborer des présentations (comme les rêves). Elles s’appuient sur des souvenirs. D’où provient-elle, cette capacité ? Certains ont une imagination débordante quand d’autres ne la cultivent que très peu.
     
  • Ainsi la capacité d'imaginer :
    • Mise en route suite à la rencontre, à la relation ou au frottement [Organisme/Environnement]
    • S’étaye sur les acquis de la mémoire à long terme du temps chronologique : histoire
    • Utilise les savoirs ou souvenirs stockés qui ont deux faces [Représentation/Affect] comme [sentiments/Émotion]
    • Structure l’inconscient comme un langage mais pas seulement
    • Ne connait ni temps ni espace, elle est ou n’est pas
    • Processus de présentation qui à son tour représente les savoirs intériorisés. Ces savoirs suivent les trois typologies de représentation relatifs à la structure du langage psychique en développement : pictographique, fantasmique et idéique (Aulagnier)
    • Singulière à chacun > imaginaire instituant (Castoriadis) des acteurs nommé “l’imaginaire
    • Advient collective par l'écriture des valeurs sous forme d'histoire et de culture. Elle institue une permanence. Cette permanence est l'imaginaire institué de l’organisation nommé le réel

 

D3 - Imaginaire [Instituant/Institué] ou [Acteur/Organisation]

  • De même qu’il n’existe pas de conscience collective ou organisationnelle en dehors d’une social-histoire, il n’existe pas d’imaginaire collectif en dehors de celle-ci. Elle est l’adhésion et l’adhérence des acteurs à des valeurs partagées et au sens commun : la culture.
    1. Côté pile, imaginaire institué de l’organisation : l’histoire
      C’est le fabriqué des hommes, leurs mémoires (poïesis). Ce fabriqué s’engendre dans le temps de l’histoire chronologique (diachronie). L’institution sociale et culturelle est le représentant de cette mémoire, ces savoirs et croyances (adhérences) sur lesquels les acteurs s’appuient pour mettre en route leur propre imaginaire personnel. L’imaginaire de l’organisation sélectionne ce qui fait valeur, explique, conceptualise, chosifie et elle l’écrit dans une “bible” (permanence). Cette "bible" de ce qui vaut ou fait valeur institue et structure l'organisation et les engagements mutuels.
       
    2. Côté face, imaginaire instituant des acteurs : le récit
      C’est le processus de la capacité d’imaginer (praxis). Ce processus ne se développe que dans l’instant d’un temps expérientiel (synchronie). Les acteurs élaborent et engendrent cet imaginaire instituant. Ils l’incarnent par le récit, le verbe, l’implication… Ils sont les moteurs et les constructeurs de l'imaginaire institué de l'histoire.

 

D4 - Imaginaire leurrant et imaginaire fécondant

  •  Pour que la stimulation de l’imaginaire soit porteuse et motrice des dynamiques d’aspirations, désirs et projets, deux processus sont en jeu : l’idéalisation et la sublimation (E. Enriquez*). L’idéalisation nous tire vers une finalité et la sublimation élabore le cheminement. Tous deux vont s’appuyer soit sur un imaginaire leurrant ou soit sur un imaginaire fécondant suivant les contextes et la qualité des relations (intersubjectivité) :
    1. Côté idéalisation
      • L’imaginaire est fécondant quand il y a contenance et représentation des valeurs et du sens comme base de dialogue et rencontre
      • L’imaginaire est leurrant, lorsque les valeurs et le sens sont imposés, opérationnalisés par des entités charismatiques “savantes” : les idéologies
    2. Côté sublimation
      • L’imaginaire est fécondant lorsque… “C’est parce que le réel fait obstacle, c’est parce qu’il prend son existence du refus que l’homme fait surgir la question de la signification en y répondant par la formation de représentations, par la création imaginaire.”*
      • L’imaginaire est leurrant, lorsqu’il n’y a pas d’obstacles sur le chemin. La toute-puissance des acteurs s’exprime, la sublimation ne peut se mettre en route faute de résistance.
  • L’idéalisation est nécessaire comme base de la relation, elle stabilise,
  • La sublimation est indispensable, elle dynamise, met en marche les acteurs et l’organisation (désirs, projets)
  • Les deux sont essentiels, intriqués, tressés, interdépendants.
management et imaginaire

5 - Manager & Imaginaires

  • L’organisation et ses managers qui travaillent sur ce processus, ne doivent plus canaliser les imaginaires suivant les anciens schémas par didactiques, par objectifs ou par projets à fabriquer. À long terme, ces démarches aliènent et paralysent le processus lui-même. Les managers des imaginaires, vous avez pour missions :
    1. Animer
      • Votre première mission est avant tout d’encadrer et non de commander. Chaque collaborateur connait sa fonction, son rôle, ses tâches à réaliser. Les équipes sont des cellules de compétences autonomes où chacun s’auto-évalue et s’auto-régule par et grâce au regard du groupe. Le manager est là pour contenir les processus, le cadre et les règles référentes. Il n’est plus là pour imposer les normes, les protocoles et les procédures du management d’autrefois.
    2. Faciliter
      • Votre seconde mission est de favoriser le contexte organisationnel afin que les actions, les échanges et points de vue soient optimums. La réflexion, le bon sens et le partage sont ainsi sollicités.
    3. Élancer
      • Votre troisième mission est de déclencher et d’impulser les énergies présentes (désirs et aspirations). Permettre à chacun de donner le meilleur de lui-même. Permettre aux collaborateurs de trouver un appui solide.

Ni-tout idéalisation, ni-tout sublimation, la fonction principale des managers est d’accompagner ces deux processus de l'imaginaires, de les contenir, soutenir, étayer et stimuler. Cette nouvelle gouvernance, par l’imagination fécondante, va vivifier les énergies et les potentialités d’innovations. C’est à cette condition que tous les collaborateurs seront porteurs des résultats escomptés par l’organisation. C'est l’adéquation entre l’imaginaire des acteurs et l’imaginaire de l’organisation. Sans imaginaires moteurs, pas de projets propulseurs.
 
Qu’en est-il de ces chefs ou managers de projet en quêtent de projets moteurs ? Modèles PAR et EN projet…

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Entre autres auteurs : Enriquez E., *Guist-Desprairies F., Lacan…