C - L'enjeu : mythe de Narcisse

 

C1 - Le mythe réhabilité

  • La représentation de Narcisse relate l’histoire d’une personne qui aimerait s’auto-contempler. Ainsi serait narcissique celui qui ne pense qu’a lui-même. Ce n’est pas ce que raconte le mythe. Bien au-delà des stéréotypes d’auto contemplation et d’amour de sa propre image, et ce n’est pas anodin de ne retenir que cela, ce qui semble se jouer dans ce mythe est la rencontre de Narcisse avec son unité intérieure du Moi. C'est en ce sens que l'individuation ou le stade du miroir du moment charnière de l'élaboration du Moi est représenté par le mythe de narcisse.
     
  • De la conservation de l’amour fusionnelle de sa mère, il passe à l’amour de soi révélateur de son unité et individualité comme sujet. Ce passage initiatique, où Narcisse meurt au couple (mère + enfant) pour naître à son unité identitaire par le symbole d’une fleur, est rendu possible par la présence d'un miroir. Dans ce mythe, l’eau (Autre) est le symbole du Père Céphise comme tiers séparateur de la dualité fusionnelle (Mère/Enfant).
      
  • Contrairement à l’idée préétablie, serait narcissique celui qui n’a pas besoin du miroir et du reflet de l’Autre, du Tiers-Père par autosuffisance. Ce que nous nommons la supervision des paires faisant tiers. Narcisse, lui n'est pas narcissique, puisque il a réussi ce passage initiatique. Il meurt à son passé pour renaître autrement.
      
  • Ce phénomène André Green (1986) le nomme le double retournement de la pulsion. Celle-ci ne peut pas encore avoir accès au refoulement et à la sublimation qui sont des stratégies œdipiennes et post-œdipienne des névrosés. Tel l’avait exprimé Freud dans "Pulsions et destin des pulsions". Le sujet utilise les deux seules orientations disponibles comme stratégie de la période narcissique :
    • Renversement de but et/ou de contenu : amour-Mère actif devient passif à l’amour-Soi actif
    • Retournement d’objet contre sa personne : de l’objet-Mère à l’objet-Soi
  • À constater que ce double retournement de l’orientation de la pulsion est mis en œuvre dans toutes les tragédies de la Grèce ancienne, comme dans les mythes de Narcisse et d’Œdipe, et ainsi que dans l’usage de l’humour.

 

C2 - Le mythe, nos enfants et nous

  • Alors que dire de cette naissance à soi ? Les enfants à pathologies narcissiques état-limite et/ou borderline ont justement un souci à cette époque de la défusion du couple (enfant-mère) pour passer à la trilogie (enfant-mère-tiers). Ces enfants, ce n’est pas qu’ils ont uniquement mal défusionné, ou qu'ils sont restés scotchés… tout comme Narcisse a peu le faire en s’arrachant de sa mère. Ces enfants-là ont encore en eux intériorisé des conflits dialectiques de leurs affects sans représentations. L'enjeu serait surtout là.
     
  • Ainsi, la problématique réelle c’est ce que nous nommons en psychanalyse les investissements narcissiques 1er (d’objet : la mère physique) qui ensuite vont se transformer en narcissisme 2e (symbolique : la mère psychique ou représentée) par manque du 1er. Si le premier n’est pas investi ou à son opposé s'il est sur investi, s’il est absent ou s'il est trop inquisiteur, dans ce cas s'il y a une déficience du premier alors le second ne peut être élaboré ou est bancale.
           
  • Ce qui manquerait au petit d’homme ce serait une réponse à ses angoisses : “sa demande d’amour”. Mais qu'est-ce donc cette amour ? Celui du monde objectal et sexuel, ou celui d'une quête d'un absolu fantasmé ou idéalisé ? (Dialectique exprimée et criée à l'adolescence)