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Cinq méditations sur la beauté

TitreCinq méditations sur la beauté
Publication TypeJournal Article
Année2006
AuthorsCheng, F
Mots-clésamour, beauté, joie
Full Text

La beauté formelle existe, bien entendu, mais elle est loin d’englober toute la réalité de la beauté. Celle-ci relève proprement de l’Être, mû par l’impérieux désir de beauté. La vraie beauté ne réside pas seulement dans ce qui est déjà donné comme beauté ; elle est presque avant tout dans le désir et dans l’élan. Elle est un advenir, et la dimension de l’esprit ou de l’âme lui est vitale. De ce fait, elle est régie par le principe de la vie. Alors, au-dessus de tous les critères possibles, un seul se porte garant de son authenticité : la vraie beauté est celle qui va dans le sens de la Voie (Tao), étant entendu que la Voie n’est autre que l’irrésistible marche de la Vie Ouverte (de Rainer Maria Rilke), autrement dit un principe de vie qui maintient ouvertes toutes ses promesses. Ce critère fondé sur le principe de vie exclut toute utilisation de la beauté comme outil de tromperie ou de domination. Une telle utilisation est laideur même ; elle constitue toujours un chemin de destruction. Oui, il faut toujours éviter de confondre l’essence d’une chose et l’usage que l’on pourrait en faire.

(François Cheng (2006) Cinq méditations sur la beauté. Albin Michel. pp. 36-37).

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  • Trois critères de valeur du beau comme éloge à la vie à sa présence (Apparition présence - rythme - accouplement des opposés). Ayant comme contraire le mal comme dénigrement et vitupération du vivant :
    • 1 - Yin-yun = l’interaction unifiante > accouplement des contraires
    • 2 - Qi-yun = le souffle rythmique > témoigne de la présence de la vie
    • 3 - Shen-yun = la résonance divine > apparition, avénement d’une présence
       
  • 1 - Yin-yun = l’interaction unifiante > accouplement, copulation…
    • “Les éléments qui composent une œuvre doivent être pris dans un processus de continuelle interaction unifiante, condition nécessaire pour que l’œuvre devienne une unité organique vivante. Au sens littéral, elle évoque un état atmosphérique, lorsque différents éléments, les uns relevant du Yin, les autres du Yang, entre en contact, en échange. Ceux-ci s’attirent, s’interpellent, s’interpénètrent pour former un magma, ou plutôt une osmose, d’où émergent et s’affirment les figures, avec leur ossature, chair, forme et mouvement. Métaphoriquement, la notion suggère aussi un acte sexuel où les partenaires prennent conscience de leur différence tout en tendant vers l’union.” (pp. 151-152)
       
  • 2 - Qi-yun = le souffle rythmique > témoigne de la présence de la vie
    • “…le souffle rythmique est-ce qui structure une œuvre en profondeur et la fait rayonner. (…) le souffle devient esprit lorsqu’il atteint le rythme (…) la signification du rythme déborde largement celle de la cadence, cette lancinante répétition du même (la répétition est la négation de l’absolue). (…) le souffle rythmique est fédérateur, structurant, unifiant, suscitant métamorphose et transformation. (…) Ces vides médians, larges ou étroits, évidents ou discrets, donnent la respiration à une œuvre, y ponctuent les formes et permettent à l’inespéré d’advenir. (…) Un rythme ne se déroule pas dans le temps et l’espace, il est générateur de son espace-temps. (…) il n’est pas de l’ordre de l’avoir. Nous sommes au rythme. Présent à lui, nous nous découvrons présent à nous. Nous existons dans cette ouverture en l’existant. (…) Rares sont les œuvres en présence desquelles nous avons lieu d’être.” (pp. 155-157)
       
  • 3 - Shen-yun = la résonance divine > apparition, avénement d’une présence
    • “Le “shen” incarne l’état supérieure du “qi”, souffle : on le traduit généralement par l’esprit ou l’esprit divin. (…) Tout comme le “qi”, le “shen” est au fondement de l’univers vivant. Alors que (…) le Souffle primordiale anime toutes les formes de vie, l’Esprit, lui, régit la part mentale, la part consciente de l’univers vivant. Cette conception peut étonner. Car dire que l’homme, cet être pensant, est habité par le “shen” est acceptable par tous. En revanche, affirmer que l’univers vivant est lui aussi habité par le “shen” et que, surtout, il est régi par lui peut paraître suspect à un pur matérialiste. (…) Mais, à sa manière, ce peuple (chine) avait le sens du sacré, un sacré qui n’est autre que celui de la Voie (Tao), cette irrésistible marche de la vie ouverte. (…) l’accomplissement humain, ne sépare guère l’esthétique de l’éthique. (…) L’important est que ce paysage dépasse la dimension de la seul représentation et qu’il se donne comme une apparition, un avénement. Avénement d’une présence (…) que l’on peut ressentir ou pressentir, celle même de l’esprit divin.” (pp 157-160)

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