A - Maître Eckhart, le mystique

La mystique, “elle se trouve chez tous les peuples, à tous les moments de l’histoire. C’est elle, surtout, qui permet de qualifier l’homme d’animal religieux. Peut-être pourrait-elle se définir ainsi : le désir mystérieux, éprouvé comme sacré, antérieur à toute justification rationnelle, parfois inconscient, mais profond et incoercible, de l’âme qui s’efforce d’entrer en contact avec ce qu’elle tient pour l’absolu (UN), généralement son Dieu, parfois aussi une entité plus vague, l’être en soi, le grand TOUT, la nature, l’âme profonde.” (Ancelet-Hustache, J. 1956. p.7)


A1 - Origine du mot et sens

  • Mystique du grec “Mustikos” signifie qui est relatif aux mystères. Ainsi, toutes les personnes curieuses tout comme les enfants seraient des mystiques puisque qu’un mystère est une inconnue, une irrationalité en quête de sens. Dans le langage populaire, ce terme a un autre sens, celui des chrétiens. Il est très en usage dans la langue de ces auteurs où le sens du mot mystique dérive vers une idée de celui qui a réalisé une expérience d’extase, d’illumination à fortes implications émotionnelles.


A2 - Points communs

  • La mystique grecque au sens premier du terme a en commun avec la mystique chrétienne deux points. D’une part, la mystique désigne toujours un élément irrationnel. D’autre part, personne d’autre que nous-même, par notre propre expérience, ne peut répondre aux mystères tel que nous pouvons l’appréhender. Pour un petit enfant, la procréation, la naissance, la mort sont tous des mystères. Aucunes explications par un tiers ne peuvent satisfaire l’enfant, il doit en faire l’expérience et le symboliser pour que le mystère devienne un concept rationnel.


A3 - Mystère…

  • Par contre, certains mystères, comme l’origine du vivant reste encore à ce jour un sujet débattu par les scientifiques, les philosophes, les théologiens, etc. Entre les partisans d’une Totalité Vitale comme concept d’un grand Tout (hologramme et plenum de la théorie quantique, continuum de conscience du bouddhisme, inconscient collectif de Jung, etc.), le UN d’un absolu ou d’un dieu unique (panthéisme et monothéisme), ou l’être primordial d’une âme transcendantale, chaque civilisation pose et repose le mystère de l’origine à sa façon.


A4 - Maître Eckhart

  • Maître Eckhart est à la fois un mystique, au sens de mystère, et un philosophe par sa démarche. Au XIII et XIVe siècle, il utilise la mystique des textes fondateurs comme fond. Il cherche dans la théologie et ses traces une réponse à ses intuitions, et pour les interpréter, il devient un philosophe dialecticien de l’herméneutique des écrits. C’est bien le mystère qui le propulse et la philosophie l’outil ou le moyen qui lui permet de soutenir cette réflexion hors de toute forme de recherche et d’enseignement dogmatique. Que chacun interprète à sa façon les textes fondateurs comme fond, lui a valu après sa mort et à cette époque, d’être jugé pour hérésie :
    • "Ledit Eckhart confessa la foi catholique à la fin de sa vie, et qu’il révoqua, et aussi déplora, les 26 articles qu’il reconnut avoir prêchés dans la mesure où ils pourraient générer dans l’esprit des fidèles une opinion hérétique, ou encore erronée et contraire à la vraie foi." (McGinn, B. 2001 p. 54).

A5 - Condamnation posthume

  • Dans le texte ci-dessous, les (-) sont de nous. Pour Maître Eckhart, l’intelligence est un processus actif dans l’instant nous permettant de nous connecter au vivant, de nous "sentir vivre", alors que la volonté est une affaire d’intellect, donc de logiques et de procédures de la raison permettant de nous "savoir vivre" tout cela posé sur des croyances rhétoriciennes comme opinions. Ainsi, dans la réponse aux détracteurs de Maître Eckhart, de son vivant, il répondit en distinguant le statut de l’erreur et de la faute, ont-ils compris ? C'est comme nos fautes d'orthographe : sont-elles des erreurs ou des fautes ? À  vous de voir…

Je puis en effet me tromper (erreur à réguler), je ne puis pas être hérétique (faute condamnable), car l’erreur est affaire d’intelligence, l’hérésie dépend de la volonté. (Ancelet-Hustache, J. 1956. p. 113)