G1 - Facteurs institutionnels

José Puig formule dans son article “Les absents ont-ils toujours tort ?”, l’absentéisme, contrariant l’obligation d’assiduité de l’élève, pointe non pas des élèves coupables de cela et des parents juridiquement responsables, mais une crise du système scolaire. Les enfants-absents seraient le symptôme visible d’une problématique institutionnelle : le sens, la vocation et la mission de l’école… ce serait la fin d’un rêve partagé et collectif. Gilbert Longhi va encore plus loin en parlant d’une école qui transmettrait dû à sa structure et son organisation une maladie nosocomiale. L'absentéisme serait une maladie infectieuse contractée lors d’un séjour dans le milieu scolaire. La perte du goût d’apprendre ne serait pas seulement du uniquement aux élèves qui décrochent et ni aux contextes familiaux défavorables, tel que certaine nous le laissent entendre. Ces auteurs poussent l’institution à s’interroger elle-même sur les causes internes avant de pointer le carton jaune sur l’autre (les L.O.C. ou lieu de contrôle causal entre interne et externe de Julian Rotter 1954).

 

José Puig, directeur des études FSEF* : “Les absents ont-ils toujours tort ?”

  • L’école ne fait plus rêver à un monde meilleur…
    • “L’absentéisme scolaire constituerait donc un symptôme de la “crise” de l’école des lumières, corollaire de la “panne” de l’ascenseur social que cette même école faisait fonctionner dans l’édifice républicain. C’est parce qu’on ne croit plus à l’école, parce qu’on n’a pas confiance dans sa capacité à corriger les inégalités ou à garantir l’avenir que se développerait ce nouveau fléau social.” (P. 87).
  • L’école judiciarisée pénalise
    • “Divers dans ses formes et complexe dans ses causes, l’absentéisme scolaire n’est pas justiciable de remèdes simples qu’il suffirait d’administrer pour conjurer ou prévenir son épidémie. Il porte dans la variété de ces manifestations, la contestation pratique d’un modèle scolaire en crise, il en exprime sourdement les contradictions et en révèle les ambiguïtés. La réponse ne saurait se limiter à l’administration d’une potion pédagogique ou judiciaire expéditive. L’absentéisme scolaire appelle un effort collectif pour repenser le modèle politique et social de l’école.” (p. 96).
  • Le discours politique médicalisé et hygiéniste de contrôle du corps social
    • “Il est d’ailleurs frappant de remarquer la façon dont le discours officiel et politique sur cette question (de l’absentéisme) empreinte ses métaphores au langage médical et hygiéniste : on parle de prévention, voire de prophylaxie, on imagine des traitements éducatifs (pour les enfants comme pour les parents : module de soutien à la responsabilité parentale) et sociaux et on mobilise désormais non seulement les responsables de l’institution scolaire mais aussi les préfets et les procureurs de la République, des psychologues et des psychiatres, et toute la panoplie des travailleurs sociaux sur une question qui relève non seulement de la pédagogie ou de l’éducation scolaire, mais de ce fait, de l’ordre de la santé publique, c’est-à-dire, pour reprendre la terminologie de Michel Foucault, d’une technologie complexe de contrôle du corps social.” (p. 85)

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Jacques Pain et Marie-Anne Hugon, Sciences de l’éducation : “La place des absents”

  • Les causes de l’abandon scolaire
    • “L’expression des difficultés scolaires du jeune dépend non seulement des facteurs familiaux, mais aussi de ses caractéristiques personnelles, de l’encadrement inadéquat, et de la mauvaise relation enseignants – jeunes.” et ils rajoutent que “c’est la culture de l’école elle-même qui n’accroche plus.” (p. 99).
  • Le pourquoi de l’abandon scolaire
    • “Lors des premiers entretiens avec l’équipe éducative, tous, quels que soient les origines sociales et les contextes familiaux, décrivent clairement le processus qui les a conduits d’un décrochage passif un absentéisme grandissant puis à l’abandon scolaire. Ils disent avoir envoyé des signes d’alerte à l’institution scolaire et aussi à leur famille : présence de pure forme, de voir non rendu, comportements instables, agressifs, retards systématiques. il raconte aussi comment, peu à peu, les relations ou plutôt l’absence de relations avec autrui et le déroulement des cours dans certaines matières sont devenues insupportables. Les jugements, les notes et les étiquetages ont été perçus comme autant d’atteintes à la personne. Ils disent qu’aucune aide ne leur a été proposée, ni aucune solution de remédier à Sion. Au terme de ce processus tombe le verdict d’une orientation subie vers des filières non désirées, assorti, distille, de divers marcs de mépris et présentée ou perçue comme une sanction. Tous expriment sentiments de ne pas avoir été traité à l’école comme des individus à part entière. Ils n’ont pas choisi sciemment de décrocher. Ils auraient quitté l’école fautent d’y trouver une place acceptable ou une place tout court.” (p. 107)

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Gilbert Longhi, proviseur : L'école de l'absence

  • “Ainsi l’école transmet une maladie nosocomiale que l’on pourrait appeler le dégoût de l’école. Au lieu de donner envie d’apprendre, elle propage l’abandon des études et la renonciation à l’avenir à cause de ses dysfonctionnements institutionnels. Cette question est taboue. Les facteurs endogènes qui induisent l’absentéisme sont niés par l’absurde." (p. 278)

Après le déroulé de sa diatribe de l'institution, à la fin de son article "Raccrocher les décrocheurs", M. Longhi parle de l'expérience concluante du Lycée Jean-Lurçat où il est en poste qui cultive la saveur et le goût d'apprendre et ainsi raccroche ces enfants-wagons perdus au train de l'apprentissage tracté par l'énergie du besoin de savoir, du plaisir de penser et du désir de connaître.


*FSEF : Fondation Santé des Étudiants de France