Dans le cadre des violences sexuelles, la loi considère que l’enfant mineur victime est par défaut consentant et ainsi il serait en parti responsable. Que pouvons nous débattre autour de cela ?
A - L’enfant peut-il être consentant ?
- De même qu'une victime adulte violée doit prouver devant la justice qu'elle n'était pas consentante (liberté sexuelle oblige), nous soulevons notre perplexité devant cette notion de consentement attribuée à l’enfant mineur. Dans cette notion de consentement s'articulent les logiques d’hétéronomie et d’autonomie où l’autonomie de chacun dépend de l’hétéronomie comme lois, règles sociales reçues de l’extérieur. Sans hétéronomie faisant valeurs sociales, la seconde l’autonomie ne serait que barbarie de la loi du plus fort (Totem & Tabou Freud). Chaque acteur responsable de lui-même tient compte de l’hétéronomie pour gérer ses conduites. L'enfant peut-il le faire ?
- Ce qui cloche justement c’est que d’un côté l’enfant mineur de moins de 18 ans n’est pas juridiquement responsable de ses conduites. Ce sont ses parents ou garants qui le sont. Alors dire d'un autre côté qu’un enfant est consentant c’est pré-suposer qu’il a intégré les lois (symbolique et écrites) d’où l'idée que nul n’est censé ignorer la loi. L’enfant aurait donc acquis une capacité de discernement, de peser le pour et le contre avant d’agir. Comment pourrait-il donc connaitre la loi ?
- Comme le précise bien la psychanalyse, un enfant de 1,5 à 3 ans commence seulement à appréhender le rapport au tiers et la loi symbolique (inceste, meurtre, etc.). Et vers 7-8 il en intègrera d’autres, celle des lois écrites de la cité (les Surmoi). Cette intégration des interdits par introjection et incorporation, ce sont justement les limites et le cadre de référence qui permet à l’enfant d’élaborer, de baliser et d’ancrer son propre système identitaire : Moi (Bergeret J 1986). Sans limites et sans cadre de références (Lebrun J-P. 2009) l’enfant garde un pied dans la psychose et un pied dans la névrose. D’où l'actuelle psychopathologie état-limite ou borderline en recrudescence dans notre société aux limites à géométrie variables (Misès R. 1990 & Kernberg, O. 2016 ).
- Ce qui cloche justement c’est que d’un côté l’enfant mineur de moins de 18 ans n’est pas juridiquement responsable de ses conduites. Ce sont ses parents ou garants qui le sont. Alors dire d'un autre côté qu’un enfant est consentant c’est pré-suposer qu’il a intégré les lois (symbolique et écrites) d’où l'idée que nul n’est censé ignorer la loi. L’enfant aurait donc acquis une capacité de discernement, de peser le pour et le contre avant d’agir. Comment pourrait-il donc connaitre la loi ?
B - Le paradoxe (Responsable / Coupable)
- C’est ici qu’il y a un paradoxe provoqué par le terme de consentement entre les notions de responsabilité et de culpabilité :
- La culpabilité implique l’intégration des lois sociales, donc des limites et donc de l’identité de l’auteur. N’est coupable que celui qui sait que sa conduite, son agir est hors cadre ou hors limite. Ici nous avons l’idée de FAUTE. Ce serait la culpabilité de ses conduites (orientation de la pulsion), l'angoisse de castration (Toute-puissance) et le complexe Œdipe de la psychanalyse (période 3 - 7 ans). La clinique Rouge d'André Green (1983).
- La responsabilité fait appel à la notion de place et de fonction dans un groupe social. Ne pas remplir ni sa place, ni sa fonction implique une déresponsabilisation. C’est à l’image de certains de nos ministres qui ont parlé d'être responsable mais de ne pas être coupable (sang contaminé). Dans le cas de la responsabilité, le qualificatif n’est plus une faute mais une ERREUR. Quand certains apprennent de leurs erreurs (pas de jugement), pour d'autres c'est un échec (jugement de valeur) qui leur fait perdre la face, la place et la confiance en soi. Ce serait la honte d'exister (source même de la pulsion), l'angoisse de pouvoir être (puissance d'être) et le complexe de Narcisse nommé pré-Œdipe par la psychanalyse (période 1,5 - 3 ans). La clinique Blank (espace vide) ou Blanche d'André Green (1983).
- La culpabilité implique l’intégration des lois sociales, donc des limites et donc de l’identité de l’auteur. N’est coupable que celui qui sait que sa conduite, son agir est hors cadre ou hors limite. Ici nous avons l’idée de FAUTE. Ce serait la culpabilité de ses conduites (orientation de la pulsion), l'angoisse de castration (Toute-puissance) et le complexe Œdipe de la psychanalyse (période 3 - 7 ans). La clinique Rouge d'André Green (1983).
- Le statut entre (faute / erreur) serait ainsi dépendant de la connaissance des lois en relation à la place qui nous est attribuée et portons (le vrai mythe d'Œdipe-Roi et non celui de la psychanalyse). Si les parents ou garant dans une relation éducative ne posent pas de limites comme cadre de référence (frustrations), ou s’ils ont des cadres à géométrie variables, ou encore pire s’ils cultivent l’ambiguïté de l'intimité, alors l’enfant ne pourra construire son identité qu’en relation à cela : bancale (Marciano, P. 2013 & Vial 2010). Le petit enfant et l'enfant passent leur temps à chercher et solliciter les limites, ce qui vaut, à expérimenter et ainsi à faire des erreurs et non des fautes. La nuance est énorme, ils intègrent les valeurs, ce qui vaut pour autrui (règles, lois, limites et cadres de référence) pour élaborer du sens, s'orienter et réguler leurs conduites.
C - Ni-Ni
- D’après ce déroulé, l’enfant ne peut-être ni consentant, ni totalement responsable et ni surtout coupable avant l’intégration de l’hétéronomie. Son Autonomie se bâtit sur l’unique modèle des valeurs portées par son environnement. Si notre société de l'excellence est dominante et violente, si elle sur-valorise le sexuel comme “nature humaine” avec sa pulsion mortifère de l'emprise, si elle sur-investit l’argent comme seule finalité possible… tout cela comme valeurs mirages fondatrices des "lois ou règles" nous reliant, alors l’enfant fera de même. Certes, ils portent les symptômes, mais en aucun cas ils ne sont responsables du contexte symptomatique. Que donnerons-nous comme bases de valeurs-héritage et que montrerons-nous comme exemple d'identification à nos enfants ?
D - Sommes-nous ( Être de Nature / Être de culture )
- Depuis plus d'un siècle les philosophes de l’existentialisme et de la phénoménologie nous ont démontré que nous sommes surtout des êtres de culture, notre histoire ou “l’existence précède l’essence” (Sartre), bien plus que des êtres de nature, à l’image des animaux qui pour certains ne réagissent qu’a leurs pré-programmations génétiques. Par la suite, vers 2010, les neurosciences ont prouvé que nous sommes programmés pour ne pas l’être et ainsi la notion d’instinct (sexuel, maternel, etc…) chez l’humain est remise en question (Ansermet, F., & Magistretti, P. 2010). S'il y a un déterminisme "naturaliste et causaliste", il ne dépendrait que de nous-même nous instituant en relation aux structures culturelles & sociales instituées comme référées. (Castoriadis 1975)
- Certes nous avons un corps, des (épi)-gènes sur trois générations et notre héritage transgénérationnel qui engramment les traumatismes comme caisse de résonance de notre Moi-peau pensant (Anzieu, D. 1985 & 1994), mais surtout les conduites des hommes dépendraient essentiellement de leur histoire, de leur culture, de leurs savoirs et de leurs croyances comme valeurs investies bien plus que de leur nature. Ce qui vaut serait ainsi la question princeps de toute société humaine. Pour ce faire, une éthique des valeurs régulatrices des actions est indispensable. Ce débat sur le sens des valeurs investies et des critères convoqués est indispensable à toutes sociétés humaines en élaboration.
E - Conclusion
- Nos capacités de discernement, de consentement et ainsi de (responsabilité / culpabilité) seraient le résultat d’une relation éducative et du processus princeps d'évaluer : penser l’éthique des principes de valeur référées (critères) et des instances conditionnant les conduites (indicateurs) est une évaluation qui demande discernement. Ce texte en témoigne, c'est une évaluation qui pèse le pour et le contre afin de nous orienter. Comment un enfant peut-il être considéré consentant ? C’est un non-sens de coutumes ancestrales. Le petit d’homme, à quoi va-t-il s’identifier si même la loi de ses pairs est bancale et le juge par a priori ?
Dialogue avec Emmanuel suite à une formation de deux jours sur Stop aux Violences Sexuelles (SVS).
Fabrice Prévost - Psycho-éducateur & Psycho-pédagogue
Psycho Éducateur - Psycho Pédagogue
Maternologie - Parentalité - Enfance - Adolescence - Adulte
Bibliographie
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Ansermet, F., & Magistretti, P. (2010). Neurosciences et psychanalyse : une rencontre autour de la singularité: O. Jacob.
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Anzieu, D. (1985). Le moi-peau (Vol. 1): Dunod Paris.
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Anzieu, D. (1994). Le Penser. Du moi-peau au moi-pensant: Dunod
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Bergeret, J., & Reid, W. (1986). Narcissisme et états-limites: Dunod Paris, France.
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Castoriadis, C. (1975). L'institution imaginaire de la société (Vol. 6): Seuil Paris.
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Freud, S. (1913). Totem et tabou (ed 2015): Payot.
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Green, A. (1983). Narcissisme de vie narcissisme de mort: Les éditions de minuit.
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Kernberg, O. (2016). Les troubles limites de la personnalité: Dunod.
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Lebrun, J.-P. (2009). Un monde sans limite: suivi de Malaise dans la subjectivation: Erès.
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Marciano, P. (2013). L'etude thérapeutique: Eres.
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Misès, R. (1990). Les pathologies limites de l'enfance: étude clinique et psychopathologique: (edt 2014). PUF.
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Vial, M. (2010). Le travail des limites dans la relation éducative : aide ? guidage ? accompagnement ? Paris: L'Harmattan
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