E - Inconscient & Temps

 

E1 - Une autre façon de penser le temps et le monde : temps linéaire ou cyclique ?

  • Nietzsche a-t-il été inspiré par la Grèce ancienne ? Les travaux des hellénistes, Vernant et Vidal-Nacquet (1962 ; 1986), formulent le même constat à propos des cités de la Grèce ancienne au Ve siècle avant JC. Lorsque ces cités instaurent le passage d’une organisation politique monarchique et dictatoriale (Monarchia) à celle d’une jeune république (Isonomia), ceci préfigure un moment clé de l’évolution de la pensée humaine. Deux conceptions en rupture paradigmatique du temps et de l’espace : le déterminisme causal (pâtir) laisse place à une approche systémique (agir) où la linéarité du temps s’efface au profit du temps cyclique.
     
  • Au Ve siècle avant JC, la pensée cosmologique a fourni le modèle d’une loi et d’un ordre égalitaires des équilibres réciproque des forces. Ce modèle de pensé cosmologique ou atomiste se substitue à la domination toute-puissante d’une pensée hiérarchique en palier pyramidale avec ses dieux, ses monarques dictateurs autoproclamés et leurs monarchies. Cette pensée cosmologique a induit une autre conception de l’espace relationnel et politique de la ville et le passage de la “sophia” à la “philosophia”. De là est née la “Raison Grecque". Elle a permis de modifier l’agir des hommes et par induction cela a modifié leurs organisations. “Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre” (Platon IVe siècle AV JC) appuie cette correspondance entre la structure du cosmos, la naissance d’un autre modèle de pensée et par prolongement son organisation sociale. La pensée politique des citées comme reflet de la psyché humaine est déduite du fonctionnement cosmologique et de la pensée géométrique : “…attention, tout savant que tu sois, es tu oublies que l’égalité géométrique (geômétrikè isotés) est toute-puissante chez les dieux et chez les hommes.”
     
  • Ce qui ferait dire à Aristote que l’homme est un “animal politique”. Par cette maxime, il donne raison à Nietzsche qui affirme que le psychisme de l’homme est aussi une organisation politique : “Tout ce qui est politique est psychique et tout ce qui est psychique est politique, l’intersection étant la quête de puissance. Dans tout corps il y a une politique. Biologiquement le principe du fonctionnement d’un corps est la défense et la puissance” (Sanekli, 2016, P. 189). Cet auteur, Sonia Sanekli, qui nous a inspiré cet article sur l’inconscient, formule que pour Nietzsche la volonté de puissance est une volonté de domination biologique et physiologique ignorant la raison d’État du Moi. C’est en cela qu’elle est une volonté politique organisatrice psychique de l’inconscient princeps, de notre première naissance fœtale comme processus du vivant.

 

E2 - Désir de jouissance d’être & Désir de jouissance de l’Être

  • Mais qu’est-ce qui entrave ou aliène l’homme ? Comme le formulent mes pairs en psychanalyse, “l’homme est fondamentalement narcissique”. Ainsi, cette volonté de puissance d’être comme processus inconscient princeps impulseur du vivant se trouve affectée par les conteneurs de complexes des faits psychiques inconscients refoulés.
     
  • Misrahi, un spécialiste de Spinoza (Misrahi, 1994, 1996), fait lui aussi cette distinction entre l’expérience de la jouissance d’être comme désir de vivre porté par la volonté de puissance (de Soi) et l’expérience de la jouissance de l’Être comme désir objectal. Quand l’expérience d’être se réfère à l’inconscient princeps d’une relation de milieu, la jouissance de l’Être se réfère à une relation d’objet élu par le sujet jouissant et si cela est censuré et interdit il se réfère au complexe des faits psychiques refoulés. Ce sont deux approches diamétralement opposées ou le désir témoigne et pointe deux contenus différents. L’un est un éloge au processus vivant quand l’autre souhaite se substituer à ce processus fondateur.
     
  • Le narcissisme primaire s’élaborait sur un investissement soit de la relation de milieu dans la continuité fœtale d’une pulsion d’auto-conservation de l’origine et/ou soit sur une relation d’objet, l’autre, comme jouissance d’une pulsion sexuelle infantile. Dans ce dernier cas, cette Totalité originelle, ce plénum d’énergie quantique ou cet inconscient princeps reste au second plan voire même est inexistant. Il ne resterait de disponible non pas le désir d’être (processus ou verbe), mais le désir de jouissance de l’Être (le sujet objectivé) en quête d’objet et les faits psychiques refoulés engendrés par les frustrations et l’angoisse de castration.